Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/88

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empêchait, sans son consentement par écrit, revêtu de son seing royal.

— Par saint Denis de Paris ! Son Altesse a voulu exercer contre moi son influence sur votre âme pure et généreuse !

— Votre nom n’a pas même été prononcé, Luis, et ce discours n’aurait paru y avoir aucun rapport, si mes pensées ne se fussent d’elles-mêmes portées sur vous. Je ne sais pas même encore quel était le but de Son Altesse, mais ce fut la manière dont mon cœur ému me présenta sur-le-champ votre image, qui me fit penser, peut-être mal à propos, que le motif de ce qui venait de se passer pouvait être de m’empêcher de vous épouser sans le consentement de doña Isabelle. Mais, connaissant, comme je le fais, son cœur maternel et affectueux, comment puis-je douter qu’elle ne cède à mes désirs quand elle saura que le choix que j’ai fait n’est pas indigne de moi, quoiqu’il puisse paraître indiscret jusqu’à un certain point aux personnes d’une prudence sévère ?

— Mais, vous pensez, — vous sentez, — Mercédès, que c’est par crainte de moi que Son Altesse vous extorqua un tel serment.

— Je l’ai craint, — comme je l’ai avoué avec plus de franchise qu’il ne convenait peut-être à ma situation, — parce que vous étiez en ce moment présent à mon esprit par-dessus toute chose ; car le triomphe que vous aviez remporté dans cette journée, et la manière dont votre nom était dans toutes les bouches, pouvaient bien tenter les pensées de se fixer sur vous.

— Mercédès, vous ne pouvez nier que vous ne pensiez que c’est par crainte de moi que la reine vous a extorqué ce serment.

— Je n’ai dessein de nier rien de ce qui est vrai, don Luis, et vous m’apprenez bien vite à me repentir de l’aveu indiscret que je viens de faire. Que ce soit par crainte de vous que Son Altesse m’a parlé comme elle l’a fait, c’est ce que je nie, car je ne puis croire qu’elle ait un pareil sentiment à votre égard. Elle éprouvait une affection maternelle pour moi, et je crois, — car je ne vous cacherai rien de ce que je pense réellement, — que la connaissance de vos moyens de plaire, Luis, peut lui avoir fait appréhender qu’une orpheline comme moi n’écoutât un caprice plutôt que la prudence, et n’épousât un homme qui semblait tellement préférer les dernières limites de la terre à ses domaines et au domicile qui lui convient.

— Et vous avez dessein de respecter cet engagement ?

— Luis ! vous réfléchissez à peine à vos paroles, sans quoi vous