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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/151

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OU LE TUEUR DE DAIMS.

si je ne lui dis pas cela tout de suite. Vous verrez qu’il rendra la liberté à notre père dès qu’il l’aura entendu.

— Pauvre Hetty ! que pouvez-vous dire à un sauvage féroce qui puisse changer ses intentions sanguinaires ?

— Quelque chose qui l’effraiera et le déterminera à laisser partir notre père, répondit Hetty d’un ton décidé. — Vous verrez, ma sœur ! vous verrez ! Ce que je lui dirai le rendra aussi soumis qu’un enfant.

— Voulez-vous me confier à moi, Hetty, ce que vous projetez de lui dire ? demanda Deerslayer. — Je connais les sauvages, je les connais bien, et je puis imaginer à peu près jusqu’à quel point de belles paroles pourraient ou non influer sur leurs dispositions malveillantes. Si ces paroles ne s’accordent pas avec les idées d’une Peau-Rouge, elles ne seront d’aucune utilité ; car la raison est guidée par les dons du ciel aussi bien que la conduite.

— Eh bien donc, répondit Hetty en donnant à sa voix un ton bas et confidentiel, car le calme de la nuit et la proximité de l’arche lui permettaient de le faire, sans cesser d’être entendue ; — eh bien donc, Deerslayer, comme vous semblez être un honnête jeune homme, je vous le dirai. J’ai l’intention de ne pas dire un mot à aucun des sauvages, avant de me trouver face à face avec leur chef suprême, quelle que soit la quantité de questions dont ils pourront m’assaillir ; non, je ne répondrai à aucun d’eux, si ce n’est pour leur dire de me conduire en présence de leur grand chef. Alors, Deerslayer, je lui dirai que Dieu ne pardonnera ni le meurtre ni le vol, et que si notre père et Hurry sont allés à la chasse des chevelures des Iroquois, il doit rendre le bien pour le mal, car la Bible l’ordonne ainsi, sous peine de châtiments éternels. En entendant cela, et en en comprenant la vérité, car il faudra bien qu’il la comprenne, pourra-t-il refuser de nous renvoyer, mon père, Hurry et moi, au rivage en face du château, en nous disant à tous trois de faire notre route en paix ?

Cette dernière question fut faite d’un ton de triomphe ; puis la pauvre fille se mit à rire en songeant à l’impression qu’elle était très-persuadée d’avoir produite sur ses auditeurs en leur dévoilant ses projets. Deerslayer resta muet d’étonnement à cette preuve d’innocente simplicité d’esprit ; mais Judith avait tout à coup avisé un moyen de déjouer ce projet insensé, en opérant sur les sentiments mêmes qui l’avaient inspiré. Sans donc faire attention à la dernière question, ni au rire de satisfaction de sa sœur, elle l’appela à la hâte par son nom, comme si elle eût senti tout à coup l’importance