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OU LE TUEUR DE DAIMS.

avant. Le repos devint indispensable, et elle se mit à préparer son coucher avec un empressement et un sang-froid sur lesquels les vaines terreurs d’une solitude sauvage n’influèrent en rien. Elle savait qu’il se trouvait des animaux sauvages dans tous les bois adjacents, mais que ceux qui attaquaient l’homme étaient rares, et que, quant aux serpents dangereux, il n’en existait pas. Elle avait appris tout cela de son père, et tout ce qui pénétrait dans son esprit y était reçu avec une telle confiance, qu’elle en bannissait le doute et l’inquiétude. La sublimité de la solitude dans laquelle elle se trouvait était pour elle consolante plutôt qu’effrayante ; elle amassa un lit de feuilles avec autant d’indifférence pour les circonstances qui auraient banni le sommeil de l’esprit de presque toutes les femmes, que si elle eût été occupée à préparer sa couche sous le toit paternel.

Aussitôt que Hetty eut amassé une quantité suffisante de feuilles sèches pour se garantir de l’humidité de la terre, elle s’agenouilla près de cette humble couche, joignit et leva les mains dans une attitude de profonde dévotion, et répéta la prière du Seigneur d’une voix douce, lente, mais distincte. La prière fut suivie de quelques-unes de ces strophes simples et pieuses, si familières aux enfants, dans lesquelles elle recommanda son âme à Dieu, si elle venait à être appelée à un nouvel état d’existence avant le retour du lendemain. Ce devoir accompli, elle se coucha et se disposa à dormir. Les vêtements de la jeune fille, bien qu’appropriés à la saison, étaient suffisamment chauds pour la journée ; mais les nuits sont toujours fraîches dans les forêts ; et dans cette région élevée du pays, elles sont souvent assez froides pour nécessiter l’emploi de vêtements plus épais que ceux dont on se sert communément dans l’été sous une latitude basse. Cela avait été prévu par Hetty. Elle avait apporté avec elle une pesante mantille, qui, jetée sur le corps, remplissait le même but qu’une couverture. Ainsi protégée, elle s’endormit au bout de quelques minutes, aussi tranquillement que si elle eût été sous la garde attentive et vigilante de cette mère qui, si récemment, lui avait été ravie pour toujours.

Ainsi, son humble couche formait un contraste frappant avec l’oreiller sur lequel sa sœur eut tant de peine à trouver le sommeil. Les heures s’écoulèrent dans un calme aussi profond, dans un repos aussi doux que si des anges envoyés tout exprès eussent veillé autour du lit de Hetty Hutter. Ses yeux si doux ne s’ouvrirent pas une seule fois avant que la clarté grisâtre de l’aube cherchât à se frayer un passage à travers les cimes des arbres, tombât sur ses