intimité entre Hutter et sa fille aînée pour faire naître la confiance. Parfois il était bienveillant, mais en général, et surtout avec elle, il était sévère et morose. La manière dont il avait exercé son autorité était moins que tout le reste de nature à encourager sa fille à prendre une telle liberté, sans en redouter vivement les conséquences, quoique cette liberté fût suggérée par le désir de lui être utile. Et puis, Judith n’était pas tout à fait exempte de certaines idées superstitieuses au sujet de cette caisse qu’elle avait eue sous les yeux comme une sorte de relique, depuis son enfance jusqu’à ce jour. Néanmoins, le temps semblait être venu d’avoir l’explication de ce mystère, et cela dans des circonstances qui ne lui laissaient guère d’alternative.
S’apercevant que ses deux compagnons épiaient ses mouvements avec une gravité silencieuse, Judith posa une main sur le couvercle, qu’elle essaya de soulever. Mais sa force fut insuffisante, et la jeune fille, qui savait fort bien que tous les cadenas et les crochets étaient retirés, attribua cette résistance à quelque puissance surnaturelle qui s’opposait à sa tentative impie.
— Je ne puis lever le couvercle, Deerslayer, dit-elle ; ne ferions nous pas mieux de renoncer à ce dessein, et de chercher quelque autre moyen pour délivrer les prisonniers ?
— Non pas, Judith ; non pas. Il n’est aucun moyen aussi certain et aussi aisé qu’une bonne rançon. Quant au couvercle, rien ne le retient que son propre poids, qui est prodigieux pour une aussi petite pièce de bois, quoique chargée de fer comme elle l’est.
Tout en parlant, Deerslayer essaya ses forces, et réussit à lever le couvercle et à l’appuyer contre la muraille. Judith se mit à trembler de tous ses membres en jetant un premier coup d’œil dans l’intérieur du coffre ; mais elle reprit un peu d’assurance en s’apercevant qu’un morceau de toile bordé avec soin tout autour cachait complètement tout ce qui se trouvait par dessous. Cependant la caisse semblait être bien garnie, car la toile était placée à un pouce du couvercle.
— Voici tout une cargaison, dit Deerslayer en observant l’arrangement ; il nous faut faire notre besogne à loisir et à notre aise. Serpent, apportez quelques escabelles, pendant que j’étendrai cette couverture sur le plancher, et puis nous nous mettrons à l’œuvre avec ordre.
Le Delaware obéit ; Deerslayer avança poliment un tabouret pour Judith, en prit un pour lui-même, et commença à enlever le dessus de toile. Ceci fut fait avec précaution, et avec autant de soin que