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OU LE TUEUR DE DAIMS.

arrivé si près du mariage sans avoir acquis quelque connaissance des symptômes de la maîtresse passion.

— Eh bien, Judith, dit Deerslayer en se levant, après une entrevue beaucoup plus longue qu’il ne l’avait soupçonné lui-même, il est agréable de causer avec vous et de régler toutes ses affaires, mais le devoir, nous appelle d’un autre côté. Pendant tout ce temps, Hurry et votre père, pour ne pas dire Hetty…

La parole expira soudain sur ses lèvres ; car, en cet instant critique, un léger pas fut entendu sur la plate-forme ; une figure humaine obscurcit le seuil de la porte, et la personne qu’il venait de nommer se trouva devant lui. Deerslayer et Judith avaient à peine laissé échapper, l’un une légère exclamation, l’autre un faible cri, qu’un jeune Indien, âgé de seize à dix-sept ans, vint se placer auprès d’elle. Hetty et lui avaient aux pieds des moccasins, aussi étaient-ils entrés sans bruit ; mais quelque inattendue et furtive qu’eût été leur arrivée, elle ne troubla pas le sang-froid de Deerslayer. Son premier mouvement fut de parler rapidement en delaware à son ami, pour lui conseiller de ne pas se montrer, tout en se tenant sur ses gardes ; le second fut d’aller à la porte pour s’assurer de l’étendue du danger. Néanmoins nulle autre personne n’était arrivée ; et une espèce de radeau, qui flottait près de l’arche, expliqua aussitôt de quel moyen on s’était servi pour ramener Hetty. Deux troncs de sapin morts et bien secs, et par conséquent pouvant flotter, étaient joints au moyen de chevilles et d’osier, et une petite plate-forme en marronnier de rivière avait été grossièrement ajustée sur la surface. Hetty y était restée assise sur une souche de bois, tandis que le jeune Iroquois éloignait du rivage, à l’aide de rames, ce radeau informe et lent, mais parfaitement sûr. Aussitôt que Deerslayer l’eut attentivement examiné, et qu’il se fut assuré qu’il n’y avait pas autre chose dans le voisinage, il secoua la tête et murmura en soliloque, suivant son usage :

— Voilà ce que c’est que de s’être amusé à fouiller dans le coffre d’un autre ! Si nous avions veillé d’un œil prudent et attentif, une pareille surprise n’aurait jamais pu avoir lieu ; et la manière dont nous sommes joués par un enfant nous montre à quoi nous pouvons nous attendre quand de vieux guerriers se mettront tout de bon à manœuvrer. Cependant c’est un acheminement à un traité pour la rançon, et j’entendrai ce que Hetty peut avoir à dire.

Judith, dès que sa surprise et sa frayeur furent un peu calmées, témoigna avec une affection naturelle la joie qu’elle éprouvait du retour de sa sœur. Elle la pressa sur son sein et l’embrassa, comme