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DEERSLAYER

faisait tard, et les sauvages se couchent et se lèvent avec le soleil.

Aussitôt qu’ils eurent découvert ce phare, les aventuriers s’avancèrent à pas plus sûrs et plus rapides. En quelques minutes ils arrivèrent à la ligne du cercle tracé par les petites huttes, ils s’y arrêtèrent pour reconnaître le terrain et pour concerter leurs mouvements. L’obscurité était si profonde, qu’il leur fut difficile de distinguer autre chose que le tison allumé, les troncs des arbres les plus voisins, et l’immense dôme de feuillage qui cachait le ciel couvert de nuage. Néanmoins, ils s’assurèrent qu’ils étaient tout près d’une hutte, et Chingachgook se chargea d’en examiner l’intérieur. L’Indien s’approcha du lieu où il supposait que se trouvait l’ennemi, avec la ruse du chat qui veut saisir un oiseau. Arrivé tout près, il rampa sur les genoux et les mains, car l’entrée était si basse que cette attitude était nécessaire. Avant de passer la tête dans l’intérieur, il écouta longtemps, dans l’espoir d’entendre la respiration des individus endormis. Aucun son ne parvint à son oreille, et cet homme-serpent allongea sa tête par la porte ou ouverture, comme l’aurait fait un autre serpent arrivant à un nid d’oiseau. Cette tentative hasardeuse n’eut aucun résultat ; car, après avoir cherché à tâtons avec une main prudente, il reconnut que la hutte était déserte.

Le Delaware examina une ou deux autres huttes avec les mêmes précautions, et il trouva tout dans le même état. Il rejoignit alors ses compagnons, à qui il apprit que les Hurons avaient abandonné leur camp. Un nouvel et rapide examen confirma ce fait, et il ne leur resta plus qu’à retourner à la pirogue. La manière différente dont chacun des aventuriers supporta ce désappointement demande une courte observation. Le chef, qui n’avait débarqué que dans le seul espoir d’acquérir de la gloire, resta immobile et appuyé contre un arbre, en attendant le bon plaisir de ses compagnons. À la vérité, il fut mortifié et un peu surpris ; il montra une noble résignation, en appelant à son aide les espérances plus douces que cette soirée lui tenait encore en réserve. Assurément il lui fallait renoncer à aller trouver sa maîtresse, décoré des trophées de son audace et de son adresse, mais il pouvait encore espérer de la rencontrer ; et le guerrier qui montrait du zèle à chercher l’ennemi pouvait toujours se flatter d’être honoré. D’un autre côté, Hurry et Tom, qui n’avaient guère été guidés que par le plus vil de tous les motifs humains, purent à peine se contenir. Ils allèrent rôder dans toutes les huttes, comme s’ils se fussent attendus à y trouver quelque enfant oublié ou quelque dormeur imprudent ; à plusieurs reprises, ils firent tomber leur dépit sur les huttes insensibles, dont plusieurs