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OU LE TUEUR DE DAIMS.

que toute fille blanche ne pourrait éprouver que des angoisses, en pensant que la vie de son fiancé est en péril ; et je ne suppose pas que vous-même, calme et impassible comme vous semblez l’être, pourriez avoir l’esprit tranquille si vous saviez votre Hist en danger.

— C’est un cas différent, c’est un cas tout à fait différent, Judith. La femme est trop faible et trop délicate pour être destinée à courir des risques, et l’homme doit prendre intérêt à elle. Oui, je suis porté à croire que cela est aussi bien dans la nature rouge que dans la blanche ; mais je n’ai pas de Hist, et il n’est pas probable que j’en aie jamais, car je trouve que c’est un tort de mêler en rien les couleurs ; excepté en fait d’amitié et de services.

— En cela vous avez les sentiments qui conviennent à un homme blanc. Quant à Hurry Harry, je pense qu’il lui serait entièrement indifférent que sa femme fût une squaw ou la fille d’un gouverneur, pourvu qu’elle eût quelque beauté, et qu’elle pût lui préparer de quoi remplir son estomac affamé.

— Vous êtes injuste envers March, Judith ; oui, vous êtes injuste. Le pauvre diable raffole de vous, et quand un homme a réellement placé ses affections sur une créature qui vous ressemble, ce n’est ni une Mingo ni même une Delaware qui pourrait le faire changer d’idées. Permis à vous de rire aux dépens d’hommes tels que Hurry et moi, car nous sommes grossiers et ignorants en fait de livres et d’autres connaissances, mais nous avons notre bon comme notre mauvais côté. On ne doit pas mépriser un cœur honnête, parce qu’il n’est pas versé dans tous les raffinements qui plaisent à l’imagination d’une femme.

Vous, Deerslayer ! — pouvez-vous sérieusement supposer un instant que je vous mette sur le même niveau que Harry March ? Non, non. Je ne suis point assez sotte pour cela. Personne, — homme ou femme, — ne pourrait songer à mettre votre cœur honnête, votre caractère mâle, votre sincérité naïve, en parallèle avec le froid égoïsme, la cupidité insatiable, l’orgueil et la férocité de Harry March. Le plus grand éloge qu’on puisse en faire se trouve dans son sobriquet de Hurry Skurry, qui, s’il n’en dit pas grand mal, n’en dit pas beaucoup de bien. Mon père lui-même, tout en obéissant comme lui à ses penchants, comme il le fait en ce moment, sait bien faire la différence entre vous deux. Je le sais, car il me l’a dit très-clairement.

Judith était douée d’une vive sensibilité et de sentiments impétueux, et se trouvant rarement dans la nécessité de dissimuler ses émotions, comme sont forcées de le faire les jeunes filles élevées