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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/313

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DEERSLAYER

d’autres armes que celles fournies par la nature, Hurry se crut en état de lutter avec succès contre ce nombre de sauvages.

— Hourra, vieux Tom ! s’écria-t-il, les vagabonds vont dans le lac l’un après l’autre, et je les aurai bientôt mis tous à la nage. — Tandis qu’il prononçait ces mots, d’un violent coup de pied dans le visage il fit retomber dans l’eau l’Indien qui s’était blessé en y tombant, et qui, s’étant accroché au bord de la plate-forme, faisait tous ses efforts pour y remonter. Quand le combat fut terminé, on vit à travers les eaux limpides du Glimmerglass son corps, couché les bras étendus, sur le banc sur lequel s’élevait le château, et ses mains serrant encore le sable et l’herbe au fond de l’eau, comme s’il eût espéré retenir la vie qui lui échappait, par cette étreinte de la mort. D’un coup de poing assené par Hurry dans le creux de l’estomac, un autre tomba avec les mêmes contorsions qu’un ver sur lequel on a marché. Il ne lui restait plus alors que deux adversaires, tous deux encore intacts, mais dont l’un était non-seulement le plus grand et le plus fort des Hurons présents, mais un des guerriers les plus expérimentés de toute la tribu, et dont les nerfs avaient été endurcis dans bien des combats. Cet homme avait bien apprécié les forces de son ennemi gigantesque, et il avait eu soin de ménager les siennes. Il était en outre équipé de la manière qui convenait le mieux à un pareil combat, car il n’avait aucun autre vêtement qu’une ceinture autour de ses reins, En un mot, c’était le modèle d’une belle statue représentant l’agilité et la force ; et il fallait une vigueur, une dextérité plus qu’ordinaires, pour le saisir. Hurry n’hésita pourtant point, et se précipitant sur ce formidable antagoniste, il fit tous ses efforts pour le jeter à son tour dans le lac. Il s’ensuivit une lutte véritablement effrayante et terrible, et les évolutions des deux athlètes variaient avec une telle promptitude, que le dernier Huron n’aurait pu intervenir dans ce combat, quand il en aurait eu le désir ; mais l’étonnement et la crainte le rendirent immobile. C’était un jeune homme sans expérience, et son sang se glaça en voyant le conflit des passions humaines sous une forme à laquelle il n’était pas habitué.

Hurry essaya d’abord de renverser son antagoniste. Il lui saisit un bras d’une main, et le prit à la gorge de l’autre, en cherchant en même temps à lui donner un croc-en-jambe, avec la force et la promptitude d’un habitant des frontières. Mais cette tentative fut déjouée par les mouvements agiles de son adversaire, qui s’accrocha aux vêtements de Hurry, et qui dégagea ses jambes avec une dextérité pareille à celle de son ennemi. Il en résulta une sorte de