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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/338

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OU LE TUEUR DE DAIMS.

ce temps. Cette négligence n’avait pas pour cause une indifférence pour la mémoire de la défunte, car elle avait aimé sa mère, et elle avait eu occasion d’en regretter amèrement la perte ; mais elle n’aimait pas à contempler la mort, et il y avait eu dans sa vie, depuis ce temps, des incidents qui avaient augmenté ce sentiment, et qui lui avaient inspiré, s’il est possible, encore plus de répugnance à s’approcher de l’endroit qui contenait les restes d’une femme dont les leçons sévères sur la morale et sur les convenances avaient fait sur elle une impression que les remords causés par ses fautes avaient rendue encore plus forte. Le cas avait été tout différent à l’égard de sa sœur. Hetty avait le cœur simple et innocent, et le souvenir de sa mère ne faisait naître dans son esprit que ce chagrin plein de douceur qui est si souvent voisin du plaisir, parce qu’il rappelle des images d’excellence et la pureté d’un état d’existence plus élevé. Pendant tout un été, Hetty avait eu coutume de se rendre chaque soir en cet endroit à la chute de la nuit, et assurant sa pirogue par une ancre, en ayant grand soin de ne pas toucher le corps, elle s’asseyait sur l’arrière, entrait en conversation imaginaire avec la défunte, chantait des hymnes à l’air du soir, et répétait des oraisons que l’être qui reposait en ce lieu lui avait apprises dans son enfance. Elle avait passé ses heures les plus heureuses dans cette communication indirecte avec l’esprit de sa mère, les traditions étranges et les opinions extravagantes des Indiens se mêlant aux instructions chrétiennes qu’elle avait reçues étant enfant. Une fois même elle avait cédé à l’influence de ses idées indiennes au point de songer à célébrer sur le tombeau de sa mère quelques-uns des rites qui sont observés par les hommes rouges ; mais ce désir passager avait été relégué dans l’ombre par la lumière stable quoique douce du christianisme, qui n’avait jamais été éclipsée dans son sein. En ce moment son émotion n’était que la suite naturelle des regrets inspirés à une fille par la perte d’une mère pour qui elle avait conservé un amour ineffaçablement gravé dans son cœur, et dont les leçons lui avaient été trop profondément inculquées pour qu’elles pussent être oubliées par une jeune fille qui avait si peu de tentation à tomber dans l’erreur.

— Il n’y avait d’autre prêtre que la nature dans ces obsèques singulières. March jeta les yeux sous ses pieds, et à travers le milieu transparent d’une eau presque aussi pure que l’air, il vit ce que Hetty avait coutume d’appeler le tombeau de sa mère. C’était un petit monceau de terre élevé sur le banc sans que la pioche y eût travaillé, et d’un coin duquel on voyait sortir un morceau de la toile