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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/340

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OU LE TUEUR DE DAIMS.

et trop jolies pour vivre encore longtemps sans le trouver. — Quand il pourra vous être agréable, Judith, d’entendre ce qu’un homme honnête et sans prétention a à vous dire, je serai charmé de vous dire quelques mots tête à tête, Judith.

Judith avait à peine fait attention à cette gauche tentative de Hurry pour la consoler, quoiqu’elle en comprît nécessairement le but général, et qu’elle se fît une idée assez exacte de la manière dont il s’était exprimé. Elle pleurait en songeant à la tendresse que lui avait toujours témoignée sa mère depuis sa première enfance ; et des souvenirs pénibles de leçons oubliées depuis longtemps et de préceptes toujours négligés s’offraient en foule à son esprit. Les paroles de Hurry la rappelèrent pourtant au temps présent ; mais, quoiqu’un pareil discours fut hors de saison, il ne produisit pas en elle ces signes de mécontentement qu’on pouvait attendre d’une femme de son caractère. Au contraire, elle parut frappée de quelque idée soudaine, le regarda un instant fixement, et se rendit à l’autre bout du scow, en lui faisant signe de la suivre. Là elle s’assit, et invita Henry March à se placer à son côté. Tout cela fut fait d’un air si sérieux et si décidé, que son compagnon en fut presque intimidé, et elle fut obligée d’entamer la conversation.

— Vous désirez me parler de mariage, Henry March, lui dit-elle, et je suis venue ici, sur la tombe de mes parents, en quelque sorte, — non, non, sur la tombe de ma pauvre mère, — pour entendre ce que vous avez à me dire.

— C’est du nouveau, Judith, et vous avez ce soir une manière qui m’abasourdit, répondit Hurry plus déconcerté qu’il n’aurait voulu l’avouer. Mais la vérité est la vérité, et il faut qu’elle parte. Vous savez, Judith, que je vous regarde depuis longtemps comme la jeune fille la plus avenante que j’aie jamais vue ; et je n’en ai fait un secret, ni ici sur le lac, ni parmi les chasseurs et les trappeurs, ni dans les établissements.

— Oui, oui, je l’ai déjà entendu dire, et je suppose que cela est vrai, répondit Judith avec une sorte d’impatience fébrile.

— Quand un jeune homme parle ainsi d’une jeune fille, il est raisonnable de supposer qu’il attache du prix à elle.

— Cela est vrai, Hurry, vous m’avez déjà dit et redit tout cela.

— Eh bien ! si cela est agréable à entendre, je pense qu’on ne peut pas le répéter trop souvent. Tout le monde me dit que c’est ce qu’il faut faire avec tout votre sexe, et que rien ne plaît tant à une femme que d’entendre un jeune homme répéter pour la centième fois combien il l’aime, à moins qu’il ne lui parle de sa beauté.