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DEERSLAYER

Même en ce moment où elle était directement requise de parler, elle semblait encore hésiter, et elle n’ouvrit la bouche que lorsque le silence général lui eut appris qu’on attendait sa réponse avec impatience. Alors elle parla, mais ce fut d’un air incertain, et comme à regret.

— Dites-moi d’abord, — dites-nous d’abord, Deerslayer, dit-elle, répétant ce commencement de phrase pour appuyer sur le mot qu’elle y avait changé, — quel effet nos réponses produiront sur votre sort. S’ils doivent vous sacrifier à la fierté de nos réponses, il eût été plus prudent que nous fussions tous plus circonspects dans le choix de nos expressions. Quelles paraissent donc devoir en être les suites pour vous-même ?

— En vérité, Judith, vous pourriez aussi bien me demander de quel côté le vent soufflera la semaine prochaine, ou quel sera l’âge du premier daim que les chasseurs tueront. Tout ce que je puis dire, c’est qu’ils me regardent un peu de travers. Mais il ne tonne pas toutes les fois qu’il passe un nuage noir, et toutes les bouffées de vent n’amènent pas de la pluie. C’est donc une question qu’il est plus facile de faire qu’il ne l’est d’y répondre.

— Il en est de même du message que m’ont envoyé les Hurons, dit Judith en se levant, comme si elle eût pris son parti sur ce qu’elle devait faire pour le moment. — Je vous donnerai ma réponse, Deerslayer, lorsque nous nous serons entretenus tête à tête, après que tous les autres se seront retirés pour la nuit.

Il y avait dans les manières de Judith en ce moment quelque chose de décidé qui disposa le jeune chasseur à consentir à ce qu’elle désirait ; et il le fit d’autant plus volontiers que ce court délai ne pouvait sous aucun rapport entraîner des conséquences sérieuses. Le conseil leva la séance, et Hurry déclara qu’il allait partir sans délai. Il laissa pourtant une heure s’écouler encore avant d’exécuter sa résolution, afin d’attendre que l’obscurité devînt plus profonde. Pendant ce temps, les autres suivirent le cours de leurs occupations ordinaires, et le jeune chasseur se remit à examiner avec soin la carabine dont il a déjà été parlé, pour bien s’assurer de toutes ses perfections.

C’était à neuf heures que Hurry avait décidé de commencer son voyage. Au lieu de faire ses adieux franchement et dans un esprit de cordialité, le peu de mots qu’il crut ne pouvoir se dispenser de dire furent prononcés d’un ton froid et d’un air sombre. Au ressentiment de ce qu’il regardait comme l’obstination de Judith se joignait la mortification de tous les revers qu’il avait éprouvés depuis