la vie des hommes ; mais en venir à scalper, c’est une chose toute différente.
— Écoutez la raison, je vous prie, Deerslayer. Est-ce que la colonie peut faire une loi illégale ? Une loi illégale n’est-elle pas contre nature plus que de scalper un sauvage ? une loi ne peut pas plus être illégale que la vérité ne peut être mensonge.
— Cela sonne raisonnablement, Hurry, mais cela nous mène à des conséquences qui ne sont pas raisonnables. Toutes les lois ne sortent pas de la même source : Dieu nous a donné les siennes, quelques-unes viennent de la colonie, et le roi et le parlement nous en envoient encore d’autres. Or, quand les lois de la colonie et même celles du roi sont contraires aux lois de Dieu, elles deviennent illégales, et l’on ne doit pas y obéir. Je pense donc qu’un blanc doit respecter les lois des blancs quand elles ne viennent pas à la traverse de celles qui partent d’une autorité supérieure, et que l’homme rouge doit avoir le même privilège pour suivre ses usages de Peau Rouge. Mais il est inutile de parler, car chacun pense à sa manière, et parle d’après sa pensée. Ayons l’œil au guet pour chercher votre ami Tom Flottant, de peur qu’il n’échappe à notre vue, caché sous ce feuillage épais.
Ce que craignait Deerslayer n’était pas impossible. Sur toute la longueur des rives du lac, du côté qu’il indiquait, les plus petits arbres avançaient sur l’eau leurs branches, dont l’extrémité touchait même souvent à l’élément transparent. Les bords, sans être très-élevés, étaient escarpés, et comme la force de la végétation se porte invariablement vers la lumière, l’effet qui en résultait était précisément ce qu’aurait désiré un amateur du pittoresque, si l’arrangement de cette superbe lisière de forêt avait été soumis à ses ordres. D’une autre part, les pointes et les criques étaient assez nombreuses pour jeter de la variété sur les contours du lac. Comme la pirogue se tenait près de la rive occidentale, afin, comme Hurry l’avait dit, de reconnaître s’il n’y avait pas d’ennemis avant de s’exposer trop ouvertement à leur vue, l’attention des deux amis était toujours portée au plus haut point ; car qui savait ce qui pouvait se trouver derrière chaque pointe qu’ils avaient à doubler ? Leur course était rapide, car la force colossale de March le mettait en état de faire voler la pirogue comme une plume, et la dextérité de son compagnon le rendait presque aussi utile, malgré son infériorité physique.
Chaque fois que la pirogue doublait une pointe, Hurry jetait un coup d’œil dans la crique, s’attendant à y voir l’arche à l’ancre, ou