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OU LE TUEUR DE DAIMS.

sur le lac, dans une pirogue de mon père, et que les Hurons sont dans les bois, et n’ont pas une seule pirogue ? Ce ne peut être la vérité, Deerslayer.

— Je voudrais de tout mon cœur que vous eussiez raison, mais le fait est que vous vous trompez. Tout libre que je vous parais, je suis réellement pieds et poings liés.

— Quel malheur d’être faible d’esprit ! Je ne puis ni voir ni comprendre que vous soyez prisonnier ou lié. Si vous êtes lié, avec quoi vos pieds et vos mains sont-ils attachés ?

— Avec un congé, Hetty ; et c’est une courroie qui serre de plus près que toutes les chaînes du monde. Une chaîne peut être rompue, mais il n’en est pas de même d’un congé. Les cordes peuvent être coupées avec un couteau ou détachées par l’adresse, mais on ne peut ni couper ni dénouer un congé.

— Quelle espèce de chose est donc un congé, s’il est plus fort que le chanvre et le fer ? Je n’en ai jamais vu.

— J’espère que vous n’en sentirez jamais aucun, Hetty, car les liens d’un congé enchaînent la volonté, et c’est pourquoi on les sent et on ne les voit pas. Je suppose que vous savez ce que c’est qu’une promesse.

— Une promesse ? certainement : c’est dire que vous ferez une certaine chose, et cela vous oblige à tenir votre parole. Ma mère tenait toujours les promesses qu’elle me faisait, et elle me disait que j’agirais mal si je ne tenais pas toutes les miennes, soit à elle-même, soit à tout autre.

— Vous avez eu une bonne mère, sous quelques rapports, quoi qu’elle puisse avoir été sous quelques autres. — Or, ce congé est une promesse, et, comme vous le dites, il faut la tenir. Je suis tombé entre les mains des Mingos ; ils m’ont permis d’aller voir mes amis, à condition que je serais de retour dans leur camp aujourd’hui à midi, pour qu’ils puissent n’infliger tous les tourments que leur esprit infernal pourra imaginer pour se venger de la mort d’un de leurs guerriers qui est tombé d’un coup de ma carabine ; de celle d’une jeune fille que Hurry a tuée, et d’autres désappointements qu’ils ont éprouvés sur le lac. À présent, je suppose que vous comprenez ma situation.

Hetty fut quelque temps sans répondre. Elle cessa tout à fait de ramer, comme si une idée nouvelle pour elle eût embarrassé son esprit, et ne lui eût permis aucune autre occupation. Alors elle reprit la conversation.

— Et croyez-vous que les Hurons auront le cœur de faire ce que