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DEERSLAYER

à le lancer. La violence du coup était telle qu’il souleva le bras de Deerslayer au-dessus de sa tête, et précisément dans l’attitude convenable pour une attaque semblable contre son ennemi. Nous ne pouvons dire si la circonstance de se trouver tout à coup armé et dans une attitude menaçante, fut pour Deerslayer une tentation d’user de représailles, ou si un premier mouvement de ressentiment l’emporta sur sa prudence et sa patience ordinaires ; son œil étincela, une petite tache rouge parut sur chacune de ses joues, et réunissant toute son énergie pour armer son bras de toute sa force, il lança à son tour le tomahawk contre son ennemi. Ce coup était inattendu, et ce fut ce qui en assura le succès. La Panthère n’eut le temps ni de lever le bras, ni de baisser la tête pour l’éviter. La petite hache frappa sa victime en ligne perpendiculaire au-dessus du nez et entre les yeux, et lui fendit littéralement le front en deux parties. Le sauvage fit un saut pour s’élancer sur le prisonnier, mais il tomba de son long au milieu de l’espace vide laissé dans le demi-cercle, rendant le dernier soupir. Tous les Hurons coururent à la Panthère pour le relever et lui donner des secours, et aucun d’eux ne songea plus au prisonnier. Deerslayer profita de ce moment pour faire un effort désespéré ; et il prit la fuite avec la rapidité d’un daim. Quelques instants après, tous les Hurons, hommes, femmes et enfants, abandonnant le corps inanimé de la Panthère, étaient à sa poursuite en poussant des cris horribles.

Quelque imprévu qu’eût été l’événement qui avait décidé le jeune chasseur à tenter cette épreuve d’agilité, il n’était pas tout à fait sans y être préparé. Pendant l’heure qui venait de s’écouler, il avait mûrement réfléchi sur les chances d’un pareil coup de hardiesse, et il avait calculé toutes les causes qui pouvaient le faire réussir ou échouer. Dès le premier moment qu’il se mit en course, ses membres furent donc complètement sous l’influence d’une intelligence qui tirait le meilleur parti de tous leurs efforts, et, dans un instant si important, il n’éprouva ni indécision ni hésitation. Ce fut à cette seule circonstance qu’il dut le premier succès qu’il obtint, celui de traverser sans accident la ligne des sentinelles. La manière dont il en vint à bout, quoique assez simple, mérite d’être rapportée.

Quoique les bords de la pointe ne fussent pas garnis d’une frange de buissons comme presque toutes les autres rives du lac, cette circonstance ne venait que de ce que cet endroit était fréquenté par les chasseurs et les pêcheurs, qui les coupaient pour en faire du feu. Cette frange reparaissait à l’endroit où la pointe se rattachait à la terre ; elle y était aussi épaisse que partout ailleurs, et s’étendait en