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OU LE TUEUR DE DAIMS.

de se lever. Il en fit l’épreuve, et elle réussit mieux qu’il ne l’avait espéré ; mais la grande difficulté était de faire voguer sa nacelle en droite ligne. Les clameurs qui recommencèrent sur le rivage lui apprirent qu’on avait découvert sa nouvelle manœuvre, et, un instant après, une balle entrant par l’arrière lui passa sous le bras, traversa toute la longueur de la pirogue, et sortit par l’avant. Cela lui persuada qu’il continuait à s’éloigner, et le porta à redoubler ses efforts. Il faisait mouvoir avec plus d’ardeur que jamais le bâton qui lui servait de rame, quand une autre balle le cassa. Le son des voix qu’il entendait paraissant s’éloigner de plus en plus, il résolut de s’abandonner à la dérive jusqu’à ce qu’il se crût hors de portée des balles. Il ne trouva pas d’expédient plus prudent, et il fut encouragé à persister dans ce dessein en sentant un souffle d’air lui rafraîchir le visage, ce qui prouvait que le vent avait un peu augmenté.



CHAPITRE XXVIII.


Ni les pleurs de la veuve, ni les cris de l’orphelin ne peuvent arrêter le conquérant dans sa marche ; ni la mer en fureur ni le ciel menaçant ne suspendent la course du pirate ; leur vie, dévouée à l’égoïsme, se passe au milieu du sang et du pillage ; la crainte d’une mauvaise renommée ne peut ni calmer leur ardeur ni réprimer leur injustice ; mais, parvenus au pouvoir, à la richesse et à la grandeur, quoique coupables, ils se font craindre ou haïr de leurs semblables.
Congrève.


Il y avait une vingtaine de minutes que Deerslayer était dans la pirogue, et il commençait à s’impatienter de ce qu’aucun signe ne lui annonçât le secours qu’il espérait de ses amis. La position de la pirogue ne lui permettait de voir le lac que dans sa longueur ; et quoiqu’il crût qu’il devait être à une cinquantaine de toises en face du château, il l’avait passé de plus que cette distance à l’ouest. Le profond silence qui régnait l’inquiétait aussi, car il ne savait s’il devait l’attribuer à quelque nouvel artifice des Indiens ou à la distance qui le séparait d’eux. Enfin, fatigué d’écouter et de ne rien entendre, et de regarder sans rien voir, il resta couché sur le dos et ferma les yeux, se disant que si les Hurons pouvaient si complé-