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DEERSLAYER

tement maîtriser leur soif de vengeance, il pouvait bien aussi avoir le même calme, et confier son destin à l’intervention du vent et des courants.

Environ dix minutes s’étaient passées de cette manière, quand il crut entendre un léger bruit qui semblait venir du frottement de quelque corps contre la cale de la pirogue. Comme de raison, il ouvrit les yeux sur-le-champ, dans l’attente de voir sortir de l’eau la tête ou le bras d’un Indien. Quelle fut sa surprise en voyant sur sa tête un dôme de feuillage ! Il se leva à l’instant, et le premier objet qui frappa ses yeux fut Rivenoak, qui avait aidé la pirogue à s’avancer sur le sable qui bordait le rivage de la pointe, et qui avait occasionné le grattement que Deerslayer avait entendu. Le changement de la dérive avait été causé par celui du vent et par un courant du lac.

— Venez, dit le Huron avec calme, en faisant un geste d’autorité pour ordonner au prisonnier de monter sur le rivage. Mon jeune frère est assez longtemps resté sur l’eau pour être fatigué. Il ne sera plus en état de courir, à moins qu’il ne donne un peu d’exercices à ses jambes.

— L’avantage est à vous, Huron, répondit Deerslayer en sautant lestement à terre et en suivant le chef indien. La Providence vous a aidé d’une manière inattendue. Je suis de nouveau votre prisonnier ; mais j’espère que vous conviendrez que je sais me tirer de prison aussi bien que tenir une parole.

— Mon jeune ami est un élan, répliqua le Huron, il a de longues jambes, et elles ont donné de la besogne à mes guerriers ; mais il n’est pas un poisson, et il n’a pu trouver son chemin dans le lac. Nous n’avons pas voulu le tuer avec nos mousquets ; car le poisson se prend avec des filets, et non à coups de feu. Quand il redeviendra élan, nous le traiterons en élan.

— Dites ce qu’il vous plaira, Rivenoak, et profitez de votre avantage : nous n’aurons pas de dispute sur ce point. Je suppose que c’est votre droit, et je sais que c’est un de vos dons : or chacun doit se conformer aux dons qu’il a reçus. Quoi qu’il en soit, quand vos femmes se mettront à m’injurier et à me vilipender, comme je pense que cela ne tardera pas, dites-leur de songer que si une Face-Pâle défend sa vie aussi longtemps qu’il le peut légitimement, il sait aussi y renoncer décemment, quand il voit que son temps est venu. Je suis votre prisonnier, faites de moi ce que vous voudrez.

— Mon frère a fait une longue course sur les montagnes, et a eu