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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/467

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DEERSLAYER

s’il l’a fait avec bravoure, ou par trahison comme le renard cauteleux ou la perfide panthère.

— Vous savez vous-même, Huron, comment l’un d’eux a succombé. Vous l’avez vu tous, et je l’ai vu aussi, quoique ce fût une scène trop sanglante pour la regarder. Ce n’a pas été la faute de Deerslayer. Votre guerrier en voulait à sa vie, et l’homme blanc s’est défendu. Je ne sais si la Bible dit que cela était juste, mais tout homme en aurait fait autant. Si vous voulez savoir quel est ici le meilleur tireur, donnez un mousquet à Deerslayer, et vous verrez qu’il tire mieux qu’aucun de vos guerriers ; oui, et même que tous mis ensemble.

Si quelqu’un avait pu regarder une pareille scène avec indifférence, il se serait amusé de l’air de gravité avec lequel les sauvages écoutèrent la traduction de cette requête extraordinaire. Nul sarcasme, nul sourire ne se mêlèrent à leur surprise, car Hetty était à leurs yeux un être trop sacré pour que ces hommes grossiers et féroces osassent se moquer de sa faiblesse d’esprit. Au contraire, le chef lui répondit avec égard et respect.

— Ma fille ne parle pas toujours comme un chef devant le feu du conseil, dit Rivenoak, ou elle n’aurait pas fait cette demande. Deux de mes guerriers sont déjà tombés sous les coups du prisonnier, et leur tombe est trop étroite pour en contenir un troisième. Les Hurons n’aiment pas que leurs morts soient si serrés. Si quelque autre esprit doit partir pour un monde bien éloigné du nôtre, ce ne doit pas être celui d’un Huron ; il faut que ce soit l’esprit d’une Face-Pâle. — Allez, ma fille, allez vous asseoir près du Sumac ; que les hommes rouges montrent leur adresse, et que le blanc prouve qu’il n’a pas peur de leurs balles.

Hetty n’était pas en état de soutenir une longue discussion, et, habituée à obéir aux ordres des autres, elle se conforma à celui qu’elle venait de recevoir, alla s’asseoir sur un tronc d’arbre à côté du Sumac, — et détourna la tête pour ne pas voir ce qui allait se passer.

Les guerriers reprirent alors leurs places, et se disposèrent de nouveau à donner des preuves de leur dextérité. Ils avaient en vue un double but : celui de mettre à l’épreuve la fermeté du prisonnier, et celui de montrer qu’ils avaient la main sûre, même dans un instant où différentes passions agitaient leur cœur. Ils étaient placés à peu de distance de leur victime, et par conséquent il leur était plus facile de prendre leur point de mire de manière à ne pas toucher le prisonnier. Mais si le peu d’éloignement diminuait le