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OU LE TUEUR DE DAIMS.

par les arbres et les buissons, qu’elle a l’air d’être en embuscade plutôt que de faciliter l’écoulement du trop-plein d’un lac comme le Glimmerglass.

Hurry n’avait pas mal décrit cet endroit, qui semblait véritablement offrir aux yeux une rivière en embuscade. Les deux rives pouvaient être à environ cent pieds l’une de l’autre ; mais du côté de l’occident, un rivage de terre basse réduisait cette largeur à environ moitié. Comme des buissons se courbaient sur l’eau par le bas, et que des pins, dont la taille égalait celle d’un clocher d’église, s’élevaient en hautes colonnes, en inclinant vers la lumière, et entrelaçaient leurs branches supérieures, l’œil, à moins d’être directement en face, ne pouvait aisément, même à très-peu de distance, découvrir sur la côte aucune ouverture qui marquât l’endroit où l’eau sortait du lac. Vue du lac, la forêt ne laissait voir aucune trace de la rivière ; et elle présentait partout un tapis de feuillage uniforme et paraissant interminable. La pirogue, avançant lentement, à l’aide du courant, entra sous une arche formée par les branches des arbres, où la clarté du ciel, pénétrant çà et là par quelques ouvertures, empêchait l’obscurité d’être complète.

— C’est une embuscade naturelle, dit Hurry à demi-voix, comme s’il eût senti que cet endroit était consacré au silence et à la vigilance. Comptez-y bien, le vieux Tom s’est enfoncé avec son arche quelque part dans ces environs. Nous suivrons le courant jusqu’à une certaine distance, et nous le dénicherons.

— Cette rivière est si étroite qu’elle ne peut recevoir même le plus petit bâtiment, dit Deerslayer ; il me semble que nous aurons à peine assez de place pour notre pirogue.

Hurry sourit de cette idée, et il parut bientôt que c’était avec raison, car à peine eurent-ils passé la frange de buissons qui croissaient sur les bords du lac, que les deux amis se trouvèrent sur les bords étroits d’une eau limpide ayant un fort courant, sous un dais de feuilles dont de vieux arbres étaient les colonnes. Des buissons en bordaient les rives, mais ils laissaient entre eux un libre passage d’environ vingt pieds de largeur, et permettaient à la vue de s’étendre en avant à huit ou dix fois cette distance.

Les deux voyageurs ne se servaient de leurs rames que pour maintenir leur petite nacelle, mais ils surveillaient avec la plus grande attention tous les coudes que faisait la rivière, et ils en trouvèrent deux ou trois dans les premières cinquante toises. Ils en passèrent ainsi plusieurs, et ils avaient déjà parcouru une petite distance quand Hurry, sans dire un seul mot, arrêta le mouvement