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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/495

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OU LE TUEUR DE DAIMS.

mer aussi. Ne la traitez pas comme tant d’Indiens traitent leurs femmes, et soyez pour elle un véritable mari. — Maintenant, faites venir Deerslayer près de moi, et qu’il me donne la main.

Deerslayer s’approcha de son lit, et se soumit à tous les désirs de la pauvre Hetty avec la docilité d’un enfant.

— Je sens, Deerslayer, lui dit-elle, que vous et moi nous n’allons pas nous séparer pour toujours. — C’est une étrange idée ; je ne l’avais jamais eue. Je voudrais savoir d’où elle vient.

— C’est Dieu qui vous encourage dans cette extrémité, Hetty. C’est de lui que vient cette idée, et il faut la respecter. — Oui, nous nous reverrons ; mais il se passera encore du temps, et ce sera dans un pays éloigné.

— Avez-vous dessein aussi d’être enterré dans ce lac ? Si cela est, c’est une explication de ce que je sens.

— Cela est peu probable, Hetty, très-peu probable. Mais il y a pour les âmes chrétiennes une contrée où il ne se trouve, dit-on, ni lacs ni bois, quoique je ne voie pas de raison pour que les bois en soient bannis ; puisque on doit y trouver tout ce qui est agréable. Il est plus vraisemblable que mon corps sera enterré dans une forêt ; mais j’espère que mon esprit ne sera pas loin du vôtre.

— Soit ! Mon esprit est trop faible pour comprendre tout cela ; mais je sens que vous et moi nous nous reverrons. Mais où êtes-vous donc, ma sœur ? — Où êtes-vous tous ? — Je ne vois plus que des ténèbres. La nuit est donc tout à fait tombée ?

— Je suis ici, chère sœur, — à vos côtés ; ce sont mes bras qui vous entourent. — Parlez, Hetty, désirez-vous quelque chose en ce cruel moment ?

Hetty avait alors entièrement perdu le sens de la vue. Cependant la mort, en s’approchant d’elle, s’était dépouillée de la moitié de ses horreurs, comme par compassion pour une créature qui n’avait reçu en partage que la moitié des facultés mentales. Elle était pâle comme un cadavre ; mais sa voix, quoique basse, était claire et distincte, et sa respiration n’avait rien de pénible. Néanmoins, quand sa sœur lui fit cette question, une rougeur presque imperceptible se répandit sur ses joues décolorées. Judith fut la seule qui remarqua cette douce expression de la sensibilité d’une femme, même à l’article de la mort, et elle en comprit aisément la cause.

Approchant sa bouche de l’oreille de sa sœur assez près pour n’être entendue que par elle, Judith lui dit : — Hurry est dans cette chambre, ma chère Hetty ; le ferai-je approcher pour recevoir vos souhaits pour lui ?