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OU LE TUEUR DE DAIMS.

— Je vous attendais la semaine dernière, dit-il d’un ton moitié grondeur, moitié satisfait, et j’ai été désappointé par votre absence. Un courrier a passé par ici pour avertir les trappeurs et les chasseurs qu’il y a une nouvelle guerre entre la colonie et le Canada, et je me suis trouvé bien esseulé dans ces montagnes, ayant à veiller à la sûreté de trois chevelures, et n’ayant qu’une paire de bras pour les protéger.

— Cela était dans la raison, répondit March, c’était penser comme un père ; et si j’avais en deux filles comme Judith et Hetty, j’aurais sans doute pensé de même, quoique, en général, j’aime autant avoir mon plus proche voisin à cinquante milles de moi que tout à côté.

— Quoi qu’il en soit, il paraît que vous ne vous êtes pas soucié de venir seul dans le désert, à présent que vous savez que les sauvages du Canada commencent à se remuer, répliqua Hutter jetant un coup d’œil de méfiance et de curiosité sur Deerslayer.

— Et pourquoi non, Tom ? On dit qu’un mauvais compagnon fait paraître le chemin plus court en voyage, et je regarde ce jeune homme comme en étant un assez bon. C’est Deerslayer, chasseur bien connu parmi les Delawares, né chrétien, et ayant reçu une éducation chrétienne comme vous et moi. Je ne dis point qu’il soit parfait, mais il y en a de pires dans le pays d’où il vient, et il est probable qu’il en trouvera qui ne valent pas mieux dans cette partie du pays. Si nous avons besoin de défendre nos trappes et notre territoire, il nous sera très-utile pour nous fournir des vivres, car on sait qu’il ne manque jamais un daim.

— Vous êtes le bienvenu, jeune homme, grommela Tom en offrant à Deerslayer une main dure et osseuse, comme un gage de sa sincérité ; dans un temps comme celui-ci, tout visage blanc est celui d’un ami, et je compte trouver en vous un appui. Les enfants rendent quelquefois faible le cœur le plus ferme, et nos deux filles me donnent plus d’inquiétudes que toutes mes trappes et mes peaux, et tous mes droits dans ce pays.

— Cela est naturel, dit Hurry. Oui, Deerslayer, ni vous ni moi nous ne le savons encore par expérience ; mais, au total, je crois que cela est naturel. Si nous avions des filles, il est plus que probable que nous penserions de même, et j’honore l’homme qui ne craint pas de l’avouer. Eh bien ! vieux Tom, je m’enrôle sur-le-champ comme défenseur de Judith, et voici Deerslayer qui vous aidera à défendre Hetty.

— Bien des remerciements, maître March, répondit la belle Ju-