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DEERSLAYER

dith d’une voix harmonieuse qui, comme celle de sa sœur, prouvait par ses intonations et par l’exactitude de sa prononciation, qu’elle avait été mieux élevée qu’on n’aurait pu s’y attendre, d’après l’apparence de son père et la vie qu’il menait ; bien des remerciements ; mais sachez que Judith Hutter a assez de courage et d’expérience pour compter sur elle-même plus que sur des rôdeurs de bonne mine comme vous. S’il devient nécessaire de faire face aux sauvages, allez à terre avec mon père, au lieu de vous enfermer dans des huttes, sous prétexte de défendre des femmes, et…

— Ma fille ! ma fille ! s’écria Hutter, laissez reposer une langue qui court trop vite, et écoutez la vérité. Il y a déjà des sauvages sur les bords du lac, et personne ne peut dire à quelle distance ils sont de nous en ce moment, ni quand nous en entendrons parler.

— Si cela est vrai, maître Hutter, dit Hurry, dont le changement de physionomie annonça qu’il regardait cette information comme une chose très-sérieuse, quoiqu’il n’eût pas un air d’alarme indigne d’un homme ; si cela est vrai, votre arche est dans une très-malheureuse position ; car, quoique la manière dont elle est cachée ait pu tromper Deerslayer et moi-même, elle n’échapperait pas aux yeux d’un Indien qui serait à la chasse de chevelures.

— Je pense comme vous, Hurry ; et je voudrais de tout mon cœur que nous fussions partout ailleurs que sur cette rivière étroite et tortueuse, qui offre quelques avantages pour s’y cacher, mais qui pourrait nous devenir fatale si nous étions découverts. D’ailleurs les sauvages sont près de nous, et la difficulté est de sortir de la rivière sans qu’ils tirent sur nous comme sur des daims qui sont à se désaltérer.

— Êtes-vous bien certain, maître Hutter, que les Peaux Rouges que vous craignez soient de véritables Canadiens ? demanda Deerslayer d’un ton modeste, mais sérieux. En avez-vous vu quelques-uns, et pouvez-vous me dire comment leur corps est peint ?

— J’ai trouvé des preuves qu’ils sont dans le voisinage, mais je n’en ai vu aucun. Je descendais la rivière à environ un mille d’ici, examinant mes trappes, quand j’aperçus une piste qui traversait le coin d’un marécage, et qui allait vers le nord. Elle était toute fraîche, et je reconnus que c’était la piste d’un Indien, à la dimension du pied et au gros orteil tourné en dedans, avant même d’avoir trouvé un vieux moccasin qu’on avait laissé comme hors de service. Je reconnus même l’endroit où l’homme s’était arrêté pour s’en faire un autre, et ce n’était qu’à quelques toises de l’endroit où il avait laissé celui qui était usé.