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OU LE TUEUR DE DAIMS.

vers la rive occidentale. Pas une âme à bord n’entendit sans un sentiment d’inquiétude le bruit que firent les branches quand la cabine vint en contact avec les buissons et les arbres qui bordaient cette rive, car personne ne savait à quel instant et en quel endroit un ennemi caché et cruel pouvait se montrer. Peut-être le peu de lumière pénétrant encore à travers le dais de feuillage qui les couvrait, ou descendant par l’ouverture étroite et semblable à un ruban qui semblait marquer dans l’air le cours de la rivière qui coulait en dessous, contribuait-il à augmenter l’apparence du danger ; car il suffisait à peine pour rendre les objets visibles, sans donner à leurs contours leurs formes exactes. Quoique le soleil ne fût pas encore couché, ses rayons ne tombaient plus que diagonalement sur la vallée, et les teintes du soir commençaient à atteindre les objets qui étaient découverts, et rendaient encore plus sombres ceux qui étaient sous l’ombre de la forêt.

Le mouvement de l’arche n’occasionna pourtant aucune interruption, et tandis que les hommes continuaient à haler la corde, l’arche avançait constamment, la grande largeur du scow empêchant qu’il tirât trop d’eau et qu’il offrît beaucoup de résistance à la marche rapide de l’élément sur lequel il flottait. Hutter avait aussi adopté une précaution, suggérée par son expérience, qui aurait fait honneur à un marin, et qui prévint complètement les embarras et les obstacles qu’ils auraient rencontrés sans cela dans les coudes fréquents que faisait la rivière. Tandis que l’arche la descendait, de lourdes pierres attachées à la corde avaient été jetées au centre du courant, formant en quelque sorte des ancres locales, dont aucune ne pouvait draguer, grâce à l’aide que lui prêtaient celles qui étaient en avant, jusqu’à ce qu’on eût atteint la première de toutes, qui tirait sa résistance de l’ancre ou du grappin qui était dans le lac. Par suite de cet expédient, l’arche évita les branches et les broussailles qui couvraient le rivage, et avec lesquelles elle serait nécessairement venue en contact à chaque coude de la rivière, ce qui aurait été une source féconde d’embarras, que Hutter, seul, aurait trouvé fort difficile de surmonter.

À l’aide de cette précaution, et stimulés par la crainte d’être découverts, Tom Flottant et ses deux vigoureux compagnons firent avancer l’arche avec autant de rapidité que le permettait la force de la corde. À chaque coude que faisait la rivière, ils détachaient une des grosses pierres dont nous venons de parler, et le scow se dirigeait sur-le-champ vers celle qui la précédait. De cette manière, et ayant, comme l’aurait dit un marin, sa route marquée par des