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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/64

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DEERSLAYER

bouées, Hutter continua à avancer, pressant de temps en temps ses compagnons, à voix basse et retenue, de redoubler d’efforts, et quelquefois aussi, quand l’occasion l’exigeait, en certains moments, les exhortant à ne pas en faire qui pussent les mettre en danger par un excès de zèle. Quoique habitués aux bois depuis longtemps, la nature sombre de la rivière, ombragée partout par les arbres, ajoutait à l’inquiétude que chacun d’eux éprouvait ; et quand l’arche arriva au dernier coude du Susquehannah, et que leurs yeux entrevirent la vaste étendue du lac, ils éprouvèrent un soulagement qu’aucun d’eux n’aurait peut-être voulu avouer. Là, ils levèrent du fond de l’eau la dernière pierre, et la corde les conduisit directement vers le grappin, qui, comme Hutter l’avait expliqué à ses compagnons, avait été jeté hors de l’influence du courant.

— Grâce à Dieu, s’écria Hurry, nous verrons clair là, et nous aurons bientôt la chance de voir nos ennemis, si nous devons les sentir.

— C’est plus que personne ne saurait dire, grommela Hutter ; il n’y a pas d’endroit si propre à cacher une embuscade que les bords de la rivière à l’instant où elle sort du lac ; et le moment où nous quitterons les arbres pour entrer en pleine eau sera le plus dangereux, parce que l’ennemi sera à couvert, et que rien ne nous couvrira plus. — Judith, Hetty, laissez les rames avoir soin d’elles-mêmes ; rentrez dans la cabine, et ayez soin de ne pas vous montrer à une fenêtre, car ce ne sont pas des compliments que vous devez attendre de ceux qui vous verraient. — Et maintenant, Hurry, nous entrerons nous-mêmes dans cette première chambre, et nous halerons par la porte : de cette manière nous serons tous à l’abri d’une surprise, du moins. — Ami Deerslayer, comme le courant est moins fort, et que la corde est aussi tendue que la prudence le permet, allez de fenêtre en fenêtre, et ne laissez pas voir votre tête, si vous faites cas de la vie : personne ne sait ni où ni quand nous entendrons parler de nos voisins.

Deerslayer lui obéit en éprouvant une sensation qui n’avait rien de commun avec la crainte, mais qui avait tout l’intérêt actif d’une situation complètement nouvelle pour lui. Pour la première fois de sa vie, il se trouvait dans le voisinage d’ennemis, ou du moins il avait tout lieu de le croire ; et cela avec toutes les circonstances excitantes des surprises et des artifices ordinaires aux Indiens. À l’instant où il se plaçait près d’une fenêtre, l’arche se trouvait précisément dans la partie la plus étroite du courant, point où l’eau du lac commençait à entrer dans ce qu’on pouvait appeler plus propre-