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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/86

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DEERSLAYER

— Très-certainement. Je suis prêt à m’enrôler pour toute entreprise qui ne sera pas contraire aux dons que le ciel a faits aux hommes blancs. La nature nous ordonne de défendre notre vie, et la vie des autres quand l’occasion s’en présente. Avec un tel objet en vue, je vous suivrai jusque dans le camp des Mingos s’il le faut, Tom Flottant, et je ferai tous mes efforts pour m’acquitter de mon devoir, s’il faut que nous en venions aux coups ; quoique, n’ayant encore pris part à aucun combat, je n’ose promettre plus que je ne serai peut-être en état de faire. Nous connaissons tous nos désirs, mais personne ne connaît ses forces avant d’en avoir fait l’épreuve.

— Cela est modeste et convenable, mon garçon, dit Hurry ; vous n’avez pas encore entendu la détonation d’un mousquet en colère, et permettez-moi de vous dire qu’elle est aussi éloignée du ton persuasif de votre carabine quand elle parle aux daims, que le sourire de Judith, quand elle est dans sa meilleure humeur, l’est des criailleries de la maîtresse hollandaise d’une ferme sur les bords du Mohawk. Je ne m’attends pas à trouver en vous un grand guerrier, Deerslayer, quoique, pour attaquer les daims, vous n’ayez pas votre égal dans cette partie du pays. Mais quant au service réel, vous vous trouverez un peu en arrière, à ce que je pense.

— C’est ce que nous verrons, Hurry, c’est ce que nous verrons, répondit Deerslayer avec douceur, sans paraître aucunement piqué des doutes qui venaient d’être exprimés sur un point qu’on n’attaque guère sans blesser la vanité des hommes, précisément en proportion de ce que leur conscience leur fait sentir que c’est leur côté vulnérable. N’ayant jamais été mis à l’épreuve, j’attendrai l’événement pour savoir ce que je dois en penser moi-même ; et alors je parlerai avec certitude, au lieu de faire des fanfaronnades. J’ai entendu parler de gens qui étaient très-vaillants avant le combat, et qui n’y faisaient pas grand-chose quand il était engagé ; et d’autres qui avaient voulu attendre pour parler, qu’ils le connussent eux-mêmes, et qui se comportaient mieux qu’on ne l’avait supposé, quand le moment en était venu.

— Dans tous les cas, nous savons que vous êtes en état de manier une rame, jeune homme, dit Hutter, et c’est tout ce que nous vous demanderons ce soir. Ne perdons plus de temps, entrons dans une pirogue, et agissons au lieu de parler.

La pirogue était prête ; Hurry et Deerslayer y entrèrent, et prirent les rames. Le vieux Tom, avant de s’embarquer, retourna au château, où il eut une conférence de quelques minutes avec Judith ;