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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/105

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marcher avec précaution, en un mot montrait toute la sollicitude que pouvait inspirer la plus tendre amitié dans une telle occasion. Frances marcha légèrement devant eux, et détourna la tête en ouvrant la porte de la chambre où on le conduisait. Ce ne fut que lorsque le major toucha ses vêtements en y entrant qu’elle se hasarda à lever sur lui ses yeux bleus pleins de douceur ; mais il ne lui rendit pas même ce regard, et Frances soupira sans s’en apercevoir en se retirant dans la solitude de son appartement.

Le capitaine avait volontairement donné sa parole à ceux qui le gardaient de ne pas chercher à s’évader, et par conséquent il put soulager son père dans l’exercice des devoirs de l’hospitalité. Tandis qu’il s’occupait de ces soins, il rencontra le docteur qui lui avait pansé le bras avec tant de dextérité sur le champ de bataille, et qui se rendait dans la chambre de l’officier blessé.

— Ah ! s’écria le disciple d’Esculape, je vois avec plaisir que vous allez bien ; mais attendez. Avez-vous une épingle ? — Non, non en voici une. Il faut empêcher l’air de frapper sur votre blessure, sans quoi quelqu’un de nos jeunes gens pourrait encore y trouver à s’exercer.

— À Dieu ne plaise ! dit le capitaine à demi-voix, tout en arrangeant son écharpe, tandis que Dunwoodie, paraissant à la porte de la chambre du blessé, s’écriait d’un ton d’impatience :

— Sitgreaves ! hâtez-vous donc, ou George Singleton mourra d’une perte de sang !

— Quoi ! est-ce Singleton ? Est-ce ce pauvre George ? s’écria le docteur en accélérant sa marche avec une émotion véritable ; juste ciel ! Au surplus il vit encore, et tant qu’il reste de la vie, il reste de l’espérance. Ce sera la première blessure sérieuse que j’aurai vue aujourd’hui sans que le patient fût déjà mort. Le capitaine Lawton apprend aux soldats à manier le sabre avec si peu de discrétion ! Pauvre George ! Heureusement on dit que ce n’est qu’une balle qui l’a blessé.

Il entra dans la chambre, et le jeune blessé tourna les yeux sur lui, faisant un effort pour sourire en lui tendant la main. Dans ce regard et dans ce geste il y avait quelque chose qui parlait au cœur du docteur Sitgreaves, et il ôta ses lunettes pour essuyer une larme qui lui obscurcissait la vue.

Il se mit sur-le-champ en fonction ; mais tout en faisant ses arrangements préalables, il se livrait à sa loquacité habituelle.