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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/106

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— Quand il ne s’agit que d’une balle, dit-il, j’ai toujours quelque espérance. Il y a une chance qu’elle n’aura touché aucune partie vitale. Mais les soldats du capitaine Lawton frappent à tort et à travers ; ils séparent la jugulaire ou mettent le cerveau à découvert, et ces blessures sont fort difficiles à guérir, parce que, pour l’ordinaire, le patient est mort avant que le chirurgien ait le temps d’arriver. Je n’ai jamais réussi qu’une fois à mettre en sa place la cervelle d’un homme, quoique je l’aie essayé sur trois aujourd’hui. Sur le champ de bataille, je ne manque jamais de reconnaître l’endroit où le corps du capitaine Lawton a chargé.

Le groupe qui entourait le lit du blessé était trop accoutumé aux manières du chirurgien en chef pour l’interrompre dans son soliloque, ou pour lui répondre ; l’on attendait tranquillement le moment où il commencerait son examen. Il arriva enfin. Dunwoodie, les yeux fixés sur ceux du docteur, tenait en silence entre ses mains une de celles du patient. Enfin, une plainte échappa à Singleton, et le docteur dit tout haut en se levant avec vivacité :

— Ah ! il y a du plaisir à suivre dans le corps humain les progrès d’une balle qui semble y avoir circulé de manière à éviter toutes les parties vitales ; mais quand le sabre du capitaine Lawton…

— Eh bien ! dit Dunwoodie, d’une voix à peine articulée, parlez donc ! y a-t-il quelque espoir ? Pouvez-vous trouver la balle ?

— Il n’est pas difficile de trouver ce qu’on tient dans la main, major, répondit le docteur en lui montrant la balle. Et tout en apprêtant l’appareil : Elle a pris une route, ajouta-t-il, que ne prend jamais le sabre du capitaine Lawton, malgré toutes les peines que je me suis données pour lui apprendre à le manier scientifiquement. Croiriez-vous bien que j’ai vu aujourd’hui, sur le champ de bataille, un cheval dont la tête était presque séparée de son corps ?

— Ce coup était de ma façon, dit Dunwoodie avec un regard d’espoir renaissant qui rappela le sang sur ses joues ; c’est moi qui ai tué ce cheval.

— Vous ! s’écria le chirurgien, laissant tomber son appareil de surprise. Vous ! mais vous saviez que c’était un cheval ?

— J’avoue que j’en avais quelque soupçon, répondit le major en approchant un breuvage des lèvres de son ami.

— De tels coups portés au corps humain sont toujours funestes,