Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait couverte de son travail. M’y voici, s’écria-t-elle en secouant le livre avec toute l’ardeur d’une curiosité impatiente ; je donnerais tout au monde pour savoir à qui il laisse ses grandes boucles de souliers en argent.

— Vous lire, dit laconiquement César.

— Et la commode en bois de noyer, car jamais Harvey n’en aura besoin.

— Pourquoi pas lui en avoir besoin comme son père ? demanda le nègre d’un ton sec.

— Et les six grandes cuillers d’argent : car Harvey ne se sert jamais que de celles de fer.

— Lui le dire, sans doute, dit l’Africain en lui montrant l’écriture tout en écoutant l’inventaire que faisait Katy des richesses du vieux Birch.

Ainsi pressée par le nègre et ne l’étant pas moins par sa curiosité, Katy commença sa tâche, et pour en venir plus vite à ce qui l’intéressait davantage, elle passa la moitié de la page et lut lentement :

« Chester Birch, née le 1er septembre 1755. »

— Elle avoir sans doute les cuillers, ajouta le nègre à la hâte.

— 1er juin 1760. En ce jour terrible, le jugement d’un Dieu offensé tomba sur ma famille… » Un gémissement profond partant de la chambre voisine interrompit la lecture. La femme de charge ferma le livre par instinct, et César trembla un instant de frayeur. Ni l’un ni l’autre n’eut assez de résolution pour entrer dans la chambre du moribond, qu’on entendait respirer péniblement. Katy n’osa pourtant pas rouvrir la bible, et en attachant les fermoirs avec soin, elle la plaça sur la table. César se tourna sur sa chaise, comme s’il se fût trouvé mal à l’aise, et dit, après avoir jeté un regard timide tout autour de la chambre :

— Moi croire lui s’en aller.

— Non, répondit Katy d’un ton solennel, il vivra jusqu’à ce que la marée s’en aille ou que le coq chante pour annoncer le matin.

— Pauvre homme dit le nègre en s’enfonçant encore plus sous la cheminée ; moi espérer que lui rester bien tranquille après être mort.

— Je n’en répondrais pas, répondit Katy en regardant autour d’elle et en baissant la voix. On dit que pour être tranquille après sa mort il faut l’avoir été pendant sa vie.