Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— John Birch être un fort brave homme.

— Ah ! César ! on n’est brave homme que quand on se conduit en brave homme. Pouvez-vous me dire, César, pourquoi on cacherait dans les entrailles de la terre de l’argent honnêtement gagné.

— Si lui savoir où être cet argent, pourquoi ne pas le déterrer ?

— Il peut y avoir des raisons que vous ne comprenez pas, répondit Katy en arrangeant sa chaise de manière que ses jupons couvraient entièrement la pierre sous laquelle était caché le trésor secret du colporteur. Ne pouvant s’empêcher de parler de ce qu’elle aurait été bien fâchée de révéler, elle ajouta : — Il ne faut pas toujours juger de l’oiseau par la cage. César ouvrait de grands yeux qu’il tournait tout autour de la chambre, incapable de comprendre le sens caché de cette parabole, quand tout à coup son regard devint fixe, ses dents claquèrent d’effroi, et Katy, qui s’aperçut du changement de sa physionomie, ayant tourné la tête, vit le colporteur lui-même sur le seuil de la porte.

— Vit-il encore ? demanda Harvey d’une voix tremblante, et paraissant craindre d’entendre la réponse à cette question.

— Sans doute, répondit Katy en se levant à la hâte et en lui offrant officieusement sa chaise, il faut bien qu’il vive jusqu’au départ de la marée ou jusqu’au chant du coq.

N’écoutant que l’assurance qu’elle lui donnait que son père vivait encore, le colporteur entra doucement dans la chambre du mourant. Le lien qui unissait ensemble ce père et ce fils n’était pas d’une nature ordinaire ils étaient tout au monde l’un pour l’autre. Si Katy avait lu quelques lignes de plus, elle aurait vu le triste récit de leurs infortunes. Une catastrophe subite leur avait enlevé tout d’un coup leur aisance et leur famille, et depuis ce moment la détresse et la persécution s’étaient attachées à leurs pas errants. S’approchant du chevet du lit, Harvey se pencha et dit d’une voix entrecoupée :

— Mon père, me connaissez-vous ?

Le vieillard ouvrit les yeux lentement, et un sourire de satisfaction parut sur ses traits pâles, pour y laisser ensuite l’impression de la mort plus fortement tracée par ce contraste. Harvey approcha des lèvres desséchés du vieillard une potion cordiale qu’il lui avait apportée, et qui parut ranimer un instant ses forces. Il parla à son fils, mais avec lenteur et difficulté. La curiosité imposait silence à Katy, et l’effroi produisait le même effet sur