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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/134

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César. Harvey semblait à peine respirer en écoutant les dernières paroles de son père expirant.

— Mon fils, lui dit celui-ci d’une voix cassée, Dieu est aussi miséricordieux que juste. Il a châtié les erreurs de ma jeunesse ; mais je sens qu’il ne refuse pas la coupe du salut à mon repentir dans ma vieillesse : il châtie pour purifier. Je vais rejoindre les âmes de notre malheureuse famille. Vous allez vous trouver seul dans le monde, Harvey, et je vous connais assez pour prévoir que vous continuerez à y vivre seul. Le roseau brisé peut conserver un reste d’existence, mais il ne relève jamais la tête. Vous avez en vous ce qui vous guidera dans les sentiers de la justice. Persévérez dans ce que vous avez commencé ; car il ne faut jamais négliger les devoirs de la vie, et…

Un bruit soudain dans l’autre chambre interrompit le mourant, et le colporteur impatient y courut pour en apprendre la cause. Un seul coup d’œil jeté sur l’individu qui était à la porte ne lui apprit que trop clairement quel était le motif de cette visite et quel destin l’attendait probablement. L’intrus était un homme encore jeune, mais dont les traits annonçaient un esprit agité depuis longtemps par les passions. Ses vêtements grossiers, malpropres et en lambeaux, lui donnaient un air de pauvreté étudiée. Ses cheveux commençaient déjà à se couvrir d’une blancheur prématurée, et son œil enfoncé et hagard évitait le regard franc et hardi de l’innocence. Il y avait dans ses manières et ses mouvements une sorte d’agitation inquiète, suite de l’esprit pervers qui l’animait, et qui était aussi désagréable pour les autres qu’incommode pour lui-même. C’était le chef bien connu d’une de ces bandes de maraudeurs[1], qui, sous le masque du patriotisme, infestaient le pays et se rendaient coupables de tous les crimes, depuis le vol jusqu’au meurtre. Derrière lui étaient plusieurs individus vêtus à peu près de la même manière, mais dont les traits n’exprimaient que l’indifférence d’une insensibilité brutale. Tous étaient armés de fusils à baïonnette et portaient en général toutes les armes ordinaires de l’infanterie. Harvey savait que toute résistance serait inutile, et il se soumit tranquillement à tout ce qu’ils exigèrent de lui. En un clin d’œil, César et lui furent dépouillés de leurs vêtements en place desquels on leur donna les haillons des deux hommes les plus déguenillés de la

  1. Connues sous le nom de Skinners, c’est-à-dire écorcheurs, comme on l’a déjà dit.