Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/156

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suivant son bon plaisir. Sa maladie n’est pas du nombre de celles que les lumières de la science peuvent guérir. Je crois que sir Henry Clinton est le meilleur médecin qu’il puisse consulter. Mais le major Dunwoodie a mis obstacle à ce qu’il puisse y avoir communication entre eux.

Frances sourit malignement en détournant la tête, et Sara, prenant l’air hautain de Junon offensée, sortit sur-le-champ de l’appartement. La solitude du sien ne lui offrit pourtant pas une ressource contre ses propres pensées ; elle le quitta bientôt, et en passant par une longue galerie qui communiquait à toutes les chambres de la maison, elle vit que la porte de celle de Singleton était ouverte. Le jeune capitaine était seul, et semblait dormir : Sara entra légèrement, et y passa quelques instants à arranger les tables et à mettre de l’ordre dans les divers objets qui avaient été préparés pour le malade, sachant à peine ce qu’elle faisait, et rêvant peut-être qu’elle s’occupait ainsi pour un autre. Ses couleurs naturelles étaient rehaussées par l’indignation que lui avait inspirée ce que venait de dire le docteur, et la même cause n’avait pas terni l’éclat de ses yeux. Le bruit des pas de Sitgreaves lui avait fait faire une retraite accélérée par une autre porte, et descendant par un escalier dérobé, elle alla rejoindre sa sœur. Toutes deux allèrent chercher un air frais sur la terrasse, et elles s’y promenèrent en se tenant par le bras.

— Il y a dans ce chirurgien que Dunwoodie nous a fait l’honneur de nous laisser, dit Sara, quelque chose de désagréable qui fait que je voudrais de tout mon cœur le voir partir.

Frances regarda sa sœur avec un sourire malin ; et Sara, rougissant, ajouta d’un ton un peu sec :

— Mais j’oublie qu’il fait partie de cette fameuse cavalerie de Virginie, et que par conséquent on ne doit en parler qu’avec respect.

— Avec autant de respect qu’il vous plaira, ma sœur, répondit Frances en souriant ; on n’a pas à craindre que vous lui accordiez trop d’éloges.

— À ce que vous pensez, répliqua Sara avec un peu de chaleur ; mais je crois que M. Dunwoodie a pris une liberté qui excède les droits que la parenté pouvait lui donner, en faisant de la maison de mon père un hôpital pour les blessés.

— Nous devons remercier le ciel, dit Frances en baissant la voix, de ce qu’il ne s’en trouve parmi eux aucun qui doive nous inspirer plus d’intérêt.