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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/157

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— Votre frère en est un, dit Sara d’un ton de reproche.

— C’est la vérité, répondit Frances en rougissant et en baissant les yeux ; mais il n’est pas obligé de garder la chambre, et il ne regrette pas une blessure qui lui procure le plaisir de rester avec ses parents. Si l’on pouvait bannir les terribles soupçons auxquels sa visite a donné lieu, je songerais à peine à sa blessure.

— Tels sont les fruits de la rébellion, dit Sara en marchant avec plus de vitesse, et vous commencez à les goûter : un frère blessé, prisonnier, peut-être victime ; un père désolé, obligé de recevoir chez lui des étrangers, et dont les biens seront probablement confisqués à cause de sa fidélité pour son roi.

Frances continua sa promenade en silence. Lorsqu’elle arrivait au bout de la terrasse du côté du nord, ses yeux ne manquaient jamais de s’arrêter sur le point où la route était cachée à la vue par une montagne, et à chaque tour qu’elle y faisait avec sa sœur, elle s’arrêtait dans cet endroit jusqu’à ce qu’un mouvement d’impatience de Sara l’obligeât à prendre le même pas. Enfin on vit une chaise attelée d’un seul cheval s’avancer avec précaution à travers les pierres qui étaient éparses le long de la route conduisant aux Sauterelles à travers la vallée. Frances perdit l’éclat de ses belles couleurs à mesure que cette voiture approchait, et lorsqu’elle put y distinguer une femme assise à côté d’un nègre en livrée qui tenait les rênes, ses membres tremblèrent d’une agitation qui l’obligea à s’appuyer sur le bras de sa sœur pour pouvoir se soutenir. Au bout de quelques minutes les voyageurs arrivèrent à la porte, qui fut ouverte par un dragon celui-ci avait été le messager envoyé de Dunwoodie au colonel Singleton, et avait escorté la voiture. Miss Peyton s’avança pour recevoir l’étrangère, et ses deux nièces s’unirent à elle pour lui faire le meilleur accueil. Les yeux curieux de Frances étudiaient la physionomie de la sœur du capitaine blessé, et ne pouvaient s’en détacher. Elle était jeune, avait la taille svelte et l’air délicat, mais c’était dans ses yeux qu’existait le plus puissant de ses charmes ; ils étaient grands, noirs, perçants et quelquefois un peu égarés. Ses cheveux longs et épais n’étaient pas couverts de poudre, quoique ce fût encore la mode d’en porter, et étaient aussi noirs et plus brillants que l’aile du corbeau. Quelques boucles tombant sur sa joue en relevaient encore la blancheur, et ce contraste donnait à son visage l’air glacial du marbre. Le docteur Sitgreaves l’aida à descendre de voiture, et quand elle fut sur la terrasse, elle fixa ses