Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/158

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yeux expressifs sur ceux du chirurgien, sans lui dire un seul mot ; mais ce regard exprimait suffisamment ce qu’elle voulait dire, et le docteur y répondit sur-le-champ.

— Votre frère est hors de danger, miss Singleton, lui dit-il, et il désire vous voir.

Elle joignit les mains avec ferveur, leva ses yeux noirs vers le ciel ; une légère rougeur semblable à la dernière teinte réfléchie du soleil couchant se peignit sur ses traits, et elle céda à sa sensibilité en versant un torrent de larmes. Frances avait contemplé les traits d’Isabelle et en avait suivi tous les mouvements avec une sorte d’admiration inquiète ; mais en ce moment elle courut à elle avec toute l’ardeur d’une sœur, et lui passant un bras sous le sien, elle l’entraîna dans un appartement séparé. Elle montrait en agissant ainsi tant d’empressement, de délicatesse et d’ingénuité, que miss Peyton elle-même jugea à propos d’abandonner miss Singleton aux soins de sa bonne nièce, et se borna à suivre des yeux avec un sourire de complaisance les jeunes personnes qui se retiraient. Isabelle céda à la douce violence de Frances, et étant arrivée dans la chambre où celle-ci la conduisit, elle pleura en silence, la tête appuyée sur l’épaule de sa campagne qui l’observait avec attention, tout en cherchant à la consoler. Frances pensa enfin que les larmes de miss Singleton coulaient avec plus d’abondance que l’occasion ne l’exigeait, car ce ne fut qu’après de violents efforts sur elle-même, et lorsque Frances eut presque épuisé tous ses moyens de consolation, que ses sanglots s’arrêtèrent enfin. Levant alors sur sa jeune compagne des yeux dont l’éclat était embelli par un sourire, elle lui fit à la hâte quelques excuses sur l’excès de son émotion, et la pria de la conduire dans la chambre de son frère.

L’entrevue du frère et de la sœur fut touchante, mais Isabelle réussit à paraître plus calme qu’on n’aurait pu le croire d’après son agitation précédente. Elle trouva son frère beaucoup mieux que son imagination susceptible ne l’avait portée à le supposer. Reprenant des forces en proportion, elle passa de l’accablement à une sorte de gaieté ; ses beaux yeux brillèrent d’un nouvel éclat, et ses lèvres étaient embellies par un sourire si séduisant que Frances, qui à son instante prière l’avait accompagnée dans la chambre de son frère, restait les yeux fixés sur des traits doués d’une versatilité si merveilleuse, comme si elle eût été sous l’influence d’un charme irrésistible. Sa sœur s’était jetée entre les bras du jeune