Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/163

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— Sans doute, répondit Wharton prenant lui-même un peu des sentiments de fierté d’un soldat, et vous pouvez vous souvenir qu’une de nos charges les avait mis en déroute.

— Cela est vrai, parfaitement vrai, s’écria le colonel d’un ton animé. Si j’avais été là pour profiter de cet avantage, les Yankees s’en seraient mal trouvés. En parlant ainsi il finissait sa toilette, et il se trouva prêt à se montrer, ayant repris toute sa confiance en lui-même, et bien persuadé que s’il se trouvait prisonnier c’était par suite d’un caprice de la fortune qui était au-dessus de toute la prudence humaine.

La nouvelle que le colonel serait un des convives ne diminua nullement les préparatifs qui se faisaient pour le festin ; et Sara, après avoir reçu les compliments de l’officier anglais et lui avoir demandé en rougissant s’il souffrait moins de ses blessures, alla donner ses soins à ce qui devait prêter un nouvel intérêt à la scène.


CHAPITRE XIII.


Je tiendrai bon, et je mangerai, quand ce devrait être mon dernier repas, puisque je sens que mon bon temps est passé. Mon frère, Milord duc, allons, faites comme moi.
Shakespeare.


L’odeur des préparatifs du dîner que le capitaine Lawton avait déjà remarquée s’élevait de plus en plus du royaume souterrain de César. Le capitaine de dragons en concluait que ses nerfs olfactifs, dont le jugement en pareilles occasions était aussi infaillible que celui de ses yeux l’était en d’autres, avaient fidèlement rempli leur devoir. Pour reconnaître encore mieux ce parfum au passage, il se mit à une fenêtre du bâtiment, heureusement placée au-dessus de la cuisine. Cependant Lawton ne songea à se procurer cette jouissance qu’après s’être mis en état de faire honneur au festin par une toilette aussi complète que le permettait sa chétive garde-robe. L’uniforme de son corps était un passeport pour les premières tables ; le sien se ressentait un peu de ses longs et fidèles services ; mais il le brossa et le nettoya avec un grand soin. Sa chevelure, à laquelle la nature avait donné la noirceur du corbeau, prit, grâce à la poudre, la blancheur sans tache de la colombe. Sa main, qui convenait si bien par sa taille et sa force au sabre qu’il maniait avec si peu de discrétion ; ne se montrait qu’à