Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui faisait partie des manières du jour, la tante aurait aisément éclipsé tout un essaim de beautés modernes.

Le costume de Sara avait beaucoup d’analogie avec celui de sa tante, et une robe qui ne différait de celle que nous venons de décrire que par l’étoffe et la couleur faisait également valoir sa taille imposante : elle était de satin d’un rose pâle. Cependant comme vingt ans ne demandaient pas le même voile que la prudence exigeait à quarante, ce n’était qu’une envieuse collerette de dentelle qui cachait en partie ce que le satin laissait exposé aux yeux. La partie supérieure de son buste et la belle chute de ses épaules brillaient de toute leur beauté naturelle, et, de même que sa tante, elle avait le cou orné d’un triple rang de perles, et elle portait des boucles d’oreilles assorties. Sa chevelure était relevée sur son front aussi blanc que la neige. Quelques tresses tombaient avec grâce sur son cou, et sa tête était ornée d’une guirlande de fleurs artificielles en forme de couronne.

Miss Singleton avait quitté le chevet du lit de son frère, d’après l’avis du docteur Sitgreaves qui avait réussi à procurer à son malade un profond sommeil, après avoir calmé quelques symptômes fébriles, suite de l’agitation occasionnée par l’entrevue dont nous avons rendu compte. La maîtresse de la maison l’avait déterminée à joindre la compagnie rassemblée dans le salon où elle était assise à côté de Sara, portant à peu près le même costume, si ce n’est que ses cheveux noirs étaient sans poudre. Son front très-élevé et ses yeux grands et brillants donnaient à tous ses traits un air pensif qu’augmentait peut-être encore la pâleur de ses joues.

La dernière par son âge sur cette liste de beautés, mais non la moins intéressante, était la plus jeune des deux filles de M. Wharton. Frances, comme nous l’avons déjà dit, avait quitté New-York avant d’avoir atteint l’âge auquel la mode fait entrer les jeunes personnes dans le monde. Quelques esprits hardis avaient déjà commencé à secouer les entraves dont d’anciens usages avaient si longtemps embarrassé le beau sexe, et Frances ne voulait pas que son soulier ajoutât rien à sa taille. Cette innovation était peu de chose ; mais ce peu de chose laissait voir un chef-d’œuvre. Plusieurs fois, dans le cours de cette matinée, elle avait résolu de donner à sa parure un soin plus qu’ordinaire. Chaque fois qu’elle formait cette résolution, elle passait quelques minutes à regarder avec empressement du côté du nord, et ensuite elle finissait par en changer.