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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/174

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— Votre triomphe est un peu prématuré, Monsieur, répondit le colonel offensé de la manière dont la question était posée.

— Une conduite si peu judicieuse sur le champ de bataille fait-elle avancer d’un pas la cause de la liberté ? continua Sitgreaves sans faire attention à l’embarras du colonel, et ne songeant qu’à soutenir son principe favori.

— Il me reste encore à apprendre, répliqua Wellmere avec vivacité, en quoi la conduite de ceux qui se trouvent dans les rangs des rebelles peut être utile à la cause de la liberté.

— À la cause de la liberté ! répéta le docteur avec le ton de la plus grande surprise ; juste Ciel ! et pour quoi donc combattons-nous ?

— Pour l’esclavage, répondit l’Anglais avec un air de confiance en son infaillibilité ; pour substituer la tyrannie de la populace au pouvoir légitime d’un monarque plein de bonté. Tâchez d’être du moins un peu d’accord avec vous-mêmes.

— D’accord avec nous-mêmes ! dit le docteur étourdi d’entendre parler ainsi d’une cause qu’il était habitué à regarder comme sacrée.

— Oui, Monsieur, d’accord avec vous-mêmes. Votre congrès de sages a publié un manifeste où il proclame l’égalité des droits politiques.

— Et un manifeste supérieurement rédigé.

— Je n’en attaque pas la rédaction. Mais si vos déclamations en faveur de l’égalité sont sincères, que ne rendez-vous la liberté à vos esclaves ? s’écria Wellmere d’un ton qui montrait clairement qu’il avait ramené la victoire sous ses bannières.

Tout Américain se trouve humilié quand il est obligé de justifier son pays d’un tel reproche. Ses émotions ressemblent à celles d’un homme forcé de répondre à une accusation honteuse, quoiqu’il sache qu’elle n’est pas fondée. Au fond le docteur avait beaucoup de bon sens, et, se trouvant ainsi interpellé, il prit l’argument au sérieux.

— La liberté consiste pour nous, répondit-il, à avoir une voix dans les conseils par lesquels nous sommes gouvernés. Nous regardons comme insupportable d’être soumis à un peuple qui vit à mille lieues de nous, et qui n’a ni ne peut avoir un seul intérêt politique commun avec les nôtres. Je ne parle pas de l’oppression ; l’enfant était majeur et avait droit aux privilèges de la majorité. Il n’existe qu’un seul tribunal auquel les nations puissent