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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/182

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article lui manquait encore ; et l’on peut s’imaginer que ce fut avec un sentiment de regret fort naturel qu’elle vit tomber dans la balle des cuillers qu’elle avait si longtemps regardées comme devant lui appartenir un jour, regret que ne contribuait pas à adoucir la déclaration laconique d’Harvey. Celui-ci, sans s’inquiéter de ce qu’elle pouvait penser, n’en continuait pas moins à remplir sa balle, qui atteignit bientôt ses dimensions ordinaires.

— Je ne suis pas sans inquiétude sur cette acquisition, dit enfin le Spéculateur en terminant sa lecture.

— Et pourquoi ? demanda vivement Harvey.

— Je crains qu’elle ne soit pas valable en justice. Je sais que deux voisins se proposent d’aller demander demain la confiscation de cette maison, et si je vous en donnais quarante livres sterling et que je vinsse à les perdre, j’aurais fait un beau marché.

— On ne peut confisquer ce qui m’appartient, répondit froidement le colporteur. Donnez-moi deux cents dollars, et la maison est à vous. Vous êtes un patriote bien connu, vous, et il n’y a pas de danger qu’on vous inquiète. Et tandis qu’il parlait ainsi, un ton étrange d’amertume se mêlait au désir qu’il montrait de se défaire de sa propriété.

— Dites cent dollars, et c’est une affaire conclue, reprit le Spéculateur avec une grimace qu’il voulait faire passer pour un sourire de bonté d’âme.

— Conclue ? répéta le colporteur avec surprise ; je croyais que tout avait été conclu ce matin.

— Il n’y a rien de conclu jusqu’à la remise de l’acte et le paiement du prix, répondit l’autre en se félicitant intérieurement de son adresse.

— Je vous ai remis le papier, s’écria Harvey.

— Oui, et je le garderai si vous voulez me dispenser de payer le prix, dit le Spéculateur en ricanant. Mais allons, je ne veux pas être trop dur à la desserre : dites cent cinquante dollars ; tenez, les voici.

Harvey s’avança vers la fenêtre, et vit avec consternation que le soleil était déjà descendu sous l’horizon. Il savait qu’il courait les plus grands dangers en restant davantage chez lui, et cependant il ne pouvait supporter l’idée d’être trompé de cette manière sur un marché qui avait été discuté et arrêté. Il hésita.

— Eh bien ! dit le Spéculateur en se levant, vous trouverez