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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/186

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— Je ferai mieux que cela, répliqua le Skinner ; car je n’ai pas envie de faire un aussi long voyage en si mauvaise compagnie. La troupe du capitaine Lawton est à un demi-mille plus près, et son reçu de ta personne me fera payer la récompense promise tout aussi bien que celui du major. Qu’en dis-tu ? ne serais-tu pas charmé de souper ce soir avec le capitaine Lawton ?

— Rendez-moi mon argent, ou laissez Harvey en liberté, s’écria Katy alarmée.

— Votre argent était trop peu de chose, bonne femme, à moins que vous n’en ayez caché dans ce lit, dit le Skinner ; et déchirant à coups de baïonnette le matelas et la paillasse, il sembla prendre un malin plaisir à en éparpiller la laine et la paille dans toute la chambre.

— S’il y a des lois dans le pays, s’écria Katy, à qui l’intérêt qu’elle prenait à sa propriété nouvellement acquise faisait oublier le danger personnel auquel elle s’exposait, j’obtiendrai justice d’un pareil vol.

— La loi du territoire neutre est celle du plus fort, dit le Skinner avec un sourire moqueur. Mais faites attention que ma baïonnette est plus longue que votre langue, et que les coups de l’une sont plus dangereux que ceux de l’autre.

Il y avait près de la porte un individu qui semblait vouloir se cacher dans le groupe des Skinners ; mais une flamme que firent naître tout à coup quelques effets mobiliers jetés dans le feu par son persécuteur, fit reconnaître au colporteur les traits du Spéculateur qui avait acheté sa maison. Il parlait à voix basse et avec un air de mystère à celui de ces brigands qui était le plus près de lui, et Harvey commença à soupçonner qu’il était victime d’un complot dont ce traître avait été complice. Les reproches seraient venus trop tard : il suivit donc la bande d’un pas ferme et tranquille, comme si on l’eût conduit au triomphe et non à l’échafaud. En traversant la cour, le chef heurta contre une souche de bois, tomba, et, se relevant un peu froissé de sa chute, il s’écria avec colère :

— Maudite soit cette souche infernale ! La nuit est trop obscure pour que nous puissions marcher ici. Holà, vous autres jetez un tison au milieu de ce tas de laine, afin de nous éclairer.

— Arrêtez ! s’écria le Spéculateur consterné, vous mettrez le feu à la maison.

— Et nous y verrons mieux, répondit un Skinner en jetant au