pliqua Betty sans se déconcerter. Je ne leur en ai donné qu’un galon, et ils sont au moins une vingtaine. C’était pour les faire dormir, en guise de suppuratif, comme vous dites.
Lawton et le docteur entrèrent dans l’Hôtel Flanagan, et les premiers objets qu’ils aperçurent leur expliquèrent le sens caché des agréables promesses de la vivandière. Une longue table, formée par des planches arrachées d’une cloison occupait le milieu du plus grand appartement de la maison, et l’on y voyait étalé le peu de vaisselle de faïence que possédait la maîtresse du logis. Un fumet agréable sortait d’une pièce voisine servant de cuisine ; mais ce qui attirait surtout l’attention, c’était une dame-jeanne de belles dimensions que Betty avait placée avec ostentation sur un escabeau au milieu de la table, comme étant l’objet qui méritait de fixer les regards. Lawton apprit bientôt que la liqueur qui s’y trouvait était le véritable jus de la grappe, et que c’était une offrande envoyée des Sauterelles au major Dunwoodie, par son ami Wharton, capitaine de l’armée royale.
— Et c’est un présent vraiment royal, ajouta le sous-officier qui lui donnait ces détails. Le major nous régale en l’honneur de la victoire que nous avons remportée, et vous voyez que, comme de raison, c’est l’ennemi qui en fait les principaux frais. Mille dieux ! s’écria-t-il en se frappant l’estomac, quand nous aurons là quelques cartouches de cette munition, je crois que nous serions en état d’aller enlever sir Henry dans son quartier-général.
Lawton ne fut nullement fâché de trouver l’occasion de finir la journée aussi agréablement qu’il l’avait commencée. Il fut bientôt entouré de ses camarades, avec lesquels il entra en conversation, tandis que le docteur faisait sa ronde pour visiter les blessés. Le feu qui brûlait dans une immense cheminée était si brillant, et jetait une flamme si vive qu’on n’avait pas eu besoin d’allumer de chandelles. Les militaires rassemblés dans cette salle étaient, pour la plupart, des jeunes gens, tous d’une bravoure éprouvée, au nombre de douze ou quinze, et leurs manières ainsi que leurs discours offraient un singulier mélange du savoir-vivre d’une ville et de la rudesse d’un camp. Leur costume était propre quoique simple, et le sujet intarissable de leur conversation était les qualités et les exploits de leurs chevaux. Les uns cherchaient à dormir, étendus sur des bancs placés le long des murs ; d’autres se promenaient dans les appartements ; plusieurs discutaient vivement des questions relatives à leur profession. De temps en