Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/198

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— Une chanson, capitaine Lawton ! une chanson, s’écrièrent en même temps deux ou trois officiers remarquant que leur camarade ne paraissait pas en humeur aussi joyeuse que de coutume ; silence ! le capitaine Lawton va chanter.

— Messieurs, dit le capitaine animé par les rasades qu’il avait bues quoique sa tête fût ferme comme un roc, je ne suis nullement un rossignol ; mais puisque vous le désirez, je chanterai bien volontiers.

— Jack ! s’écria Sitgreaves en se balançant sur sa chaise, chantez l’air que je vous ai appris, et… attendez, j’ai dans ma poche une copie des paroles.

— Ne vous donnez pas la peine de la chercher, mon cher docteur, dit le capitaine en remplissant son verre avec beaucoup de sang-froid : je ne pourrais jamais faire un tour de conversion autour des noms barbares qui s’y trouvent. Messieurs, je vais vous donner un humble échantillon de mon savoir-faire.

— Silence, Messieurs ! écoutez le capitaine Lawton ! s’écrièrent à la fois cinq ou six voix. Et le dragon d’une voix belle et sonore chanta les couplets suivants sur un air à boire bien connu, la plupart de ses camarades en répétant le refrain avec une ardeur qui faisait trembler l’édifice délabré :


« Passez la bouteille, joyeux camarades, et vivons tandis que nous le pouvons. Le jour de demain peut amener la fin de vos plaisirs, car la vie de l’homme est courte, et celui qui combat l’ennemi avec bravoure peut voir s’accélérer la fin du bail de sa vie.

« Vieille mère Flanagan, viens remplir nos verres ; car tu peux les remplir comme nous pouvons les vider, bonne Betty Flanagan.

« Si l’amour de la vie s’est emparé de votre cœur, si l’amour de vos aises occupe votre corps, quittez le chemin de l’honneur, et goûtez un repos paisible, en portant le nom de lâche ; car tôt ou tard nous connaissons le danger, nous qui nous tenons fermes sur la selle.

« Vielle mère Flanagan, etc.

« Quand des ennemis étrangers envahissent notre pays, et que nos femmes et nos maîtresses nous appellent à les défendre, nous soutiendrons bravement la cause de la liberté, ou nous succomberons aussi bravement. Nous vivrons maîtres du beau pays que le ciel nous a donné, ou nous irons vivre dans le ciel.

« Vieille mère Flanagan, etc. »


Chaque fois qu’on chantait le refrain, Betty ne manquait pas de s’avancer et d’obéir littéralement à l’injonction qu’il contenait, à la grande satisfaction de tous les chanteurs, et peut-être aussi à la sienne. L’hôtesse se servait d’un breuvage mieux assorti à un palais qu’elle avait accoutumé aux liqueurs fortes, et par ce