Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/199

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moyen elle avait marché assez facilement d’un pas égal vers la gaieté un peu bruyante à laquelle étaient arrivés la plupart des convives. Tous couvrirent d’applaudissements prolongés la chanson du capitaine, à l’exception pourtant du chirurgien qui s’était levé pendant le premier chorus et qui se promenait en long et en large dans un transport d’indignation classique. Les bravo ! bravissimo ! étouffèrent quelque temps tout autre bruit ; mais dès que le tumulte commença à cesser, le docteur se tourna vers le chanteur et lui dit avec chaleur :

— Capitaine Lawton, je suis surpris qu’un homme bien né, un brave officier, ne puisse dans ce temps d’épreuve trouver pour sa muse un sujet plus convenable que d’indignes invocations à une coureuse de corps-de-gardes, à cette Betty Flanagan. Il me semble que la déesse de la liberté pourrait fournir des inspirations plus nobles, et l’oppression de notre patrie un thème plus heureux.

— Sur ma foi ! s’écria l’hôtesse en s’avançant vers lui les poings appuyés sur les côtes, et qui est-ce qui m’insulte ? Est-ce vous, Maître-Emplâtre, Maître-Seringue, Maître…

— Paix dit Dunwoodie d’une voix qui ne s’élevait guère au-dessus de son ton ordinaire, mais qui fut suivie par un silence semblable à celui de la mort. Femme, sortez de cette chambre ; docteur Sitgreaves, reprenez votre place à table, et ne troublez pas le cours de nos plaisirs.

— Soit ! soit ! dit le chirurgien en se redressant avec une dignité calme. Je me flatte, major Dunwoodie, que je connais un peu les règles du décorum et que je n’ignore pas tout à fait ce qu’on peut se permettre dans une réunion d’amis.

Betty fit une prompte retraite, quoique non en ligne directe, dans les domaines de sa cuisine, n’étant pas habituée à répliquer à un ordre de l’officier commandant.

— Le major Dunwoodie nous fera-t-il l’honneur de chanter une chanson sentimentale ? dit Lawton en saluant son chef avec la politesse d’un homme bien né et avec cet air de sang-froid qu’il savait si bien prendre.

Dunwoodie hésita un instant, et chanta ensuite avec une exécution parfaite les couplets suivants :


« Les uns aiment la chaleur des climats méridionaux, où un sang ardent circule avec rapidité dans les veines ; moi je préfère la clarté douteuse que réfléchissent en tremblant les rayons plus doux de la lune.