Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/218

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se préparèrent à prendre leur repas. Un grand feu de bois sec brûlait dans une fente de rochers, et enfin ils commencèrent à se remettre de la confusion de leur fuite, et à recouvrer leurs sens égarés. Leur appétit apaisé, ils se dépouillèrent d’une partie de leurs vêtements pour panser leurs blessures, et ils commencèrent en même temps à se livrer à des projets de vengeance. Ils passèrent une heure de cette manière, proposant divers moyens de représailles ; mais, comme il fallait que chacun payât de sa personne pour les exécuter, et que tous exposaient à de grands périls, tous furent successivement rejetés, il était impossible d’attaquer les dragons par surprise, car leur vigilance n’était jamais en défaut, et il y avait encore moins de probabilité de rencontrer le capitaine Lawton seul ; car il était toujours occupé de ses devoirs militaires, et ses mouvements étaient si rapides que le hasard pouvait le faire croiser leur chemin. D’ailleurs il n’était nullement certain que le résultat de cette rencontre dut être à leur avantage. La dextérité du capitaine était bien connue, et quoique le West-Chester fût un territoire inégal et montueux, l’intrépide partisan avait appris à son coursier à faire des bonds extraordinaires, et des murs de pierre n’offraient que de légers obstacles à une charge de la cavalerie virginienne. Peu à peu la conversation prit une autre direction, et la bande finit par adopter un plan qui semblait devoir assurer en même temps vengeance et profit. L’affaire fut discutée avec soin ; le temps et le mode de l’exécution furent fixés ; il ne manquait plus rien aux arrangements préalables de ce nouvel acte de scélératesse, quand ils tressaillirent en entendant quelqu’un s’écrier à voix haute :

— Par ici, capitaine Lawton ! par ici ! voilà ces coquins qui soupent tranquillement assis près du feu. Par ici ! Tuons les brigands avant qu’ils aient le temps de changer de place ! Vite ! descendez de cheval et armez vos pistolets.

Ces paroles effrayantes mirent en déroute la philosophie de toute la bande. Ils se levèrent précipitamment, s’enfoncèrent plus avant dans le bois, et comme ils étaient déjà convenus d’un lieu de rendez-vous pour leur expédition projetée, ils se dispersèrent vers les quatre points cardinaux. Ils entendirent certains sons et différentes voix de personnes qui s’appelaient les unes les autres ; mais comme les maraudeurs avaient le pied léger, ils furent bientôt à une assez grande distance pour ne plus rien entendre.