Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/220

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quiétudes était la situation dangereuse de Henry Wharton. Il n’avait pas le moindre doute que les intentions de son ami n’eussent été parfaitement pures, mais il n’était pas également sûr qu’un conseil de guerre partageât la même opinion, et indépendamment de son amitié pour Henry, il sentait que si le frère venait à périr, il fallait renoncer à tout espoir d’union avec la sœur. La soirée précédente il avait envoyé un officier au colonel Singleton qui commandait les avant-postes, pour lui faire part de l’arrestation du capitaine Wharton, l’informer de l’opinion qu’il avait lui-même de son innocence, et lui demander ce qu’il devait faire de son prisonnier. Les ordres du colonel pouvaient arriver à chaque instant, et plus il voyait approcher le moment où Henry ne serait plus sous sa protection plus ses inquiétudes redoublaient.

L’esprit troublé par de semblables réflexions, il avait traversé le verger et était arrivé jusqu’au pied des rochers qui avaient protégé la fuite des Skinners la nuit précédente sans savoir où sa promenade l’avait conduit. Il allait retourner sur ses pas pour rentrer à l’hôtel Flanagan, quand il entendit une voix s’écrier :

— Arrêtez, ou vous êtes mort !

Dunwoodie se retourna avec surprise, et vit sur la pointe d’un rocher à peu de distance de lui un homme tenant un mousquet et le couchant en joue. Il ne faisait pas encore assez grand jour pour distinguer parfaitement les objets au milieu de l’obscurité produite par les arbres, et il lui fallut un second coup d’œil pour s’assurer, à son grand étonnement, que c’était le colporteur qui était devant lui. Comprenant sur-le-champ le danger de sa position et ne voulant ni demander merci ni prendre la fuite, quand même elle eût été possible, il s’écria avec fermeté :

— Si vous voulez m’assassiner, faites feu, car je ne me rendrai jamais prisonnier.

— Non, major Dunwoodie, répondit Birch je n’ai dessein d’attenter ni à votre vie ni à votre liberté.

— Que voulez-vous donc, être mystérieux ? demanda Dunwoodie pouvant à peine se persuader que ce qu’il voyait ne fût pas un jeu de son imagination.

— Votre bonne opinion, répondit Birch avec émotion. Je voudrais que les honnêtes gens me jugeassent avec indulgence.

— L’opinion des hommes doit vous être fort indifférente, dit le major en continuant à le regarder avec l’air de la plus grande sur-