Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/221

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prise, car vous semblez posséder les moyens de vous mettre à l’abri de leurs jugements.

— Dieu sauve ses serviteurs quand il le juge convenable, dit le colporteur d’un ton solennel. Hier, vous me menaciez de la potence, vous étiez maître de ma vie ; aujourd’hui la vôtre est à ma disposition ; je n’en abuserai pas ; vous êtes libre, major Dumvoodie ; mais à peu de distance sont des gens qui vous traiteraient tout différemment. À quoi vous servirait ce sabre contre un mousquet et une main bien assurée ? Écoutez l’avis d’un homme qui ne vous a jamais fait de mal, et qui ne vous en fera jamais : ne vous promenez jamais sur les lisières d’aucun bois, à moins que vous ne soyez en compagnie et bien monté.

— Avez-vous donc quelques camarades qui ont facilité votre évasion, et qui sont moins généreux ?

— Non, non, s’écria Harvey d’un ton plein d’amertume et en roulant les yeux d’un air égaré, je suis seul, complètement seul, personne ne me connaît que Dieu et lui.

— Qui, lui ? demanda le major avec un intérêt dont il n’était pas le maître.

— Personne, répondit le colporteur avec tout son sang-froid ; mais il n’en est pas de même de vous, major Dunwoodie ; vous êtes jeune, vous êtes heureux, il existe des personnes que vous chérissez, et elles ne sont pas bien loin d’ici. Redoublez de vigilance ; un danger imminent menace ce que vous aimez le plus au monde ; ne négligez aucune précaution ; doublez vos patrouilles, et gardez le silence sur cet avis ; avec l’opinion que vous avez de moi, si je vous en disais davantage, vous craindriez quelques embûches ; mais encore une fois veillez à la sûreté de ce que vous avez de plus cher.

En finissant ces mots il déchargea son mousquet en l’air et le jeta aux pieds de Dunwoodie. Et quand le major, immobile de surprise, leva les yeux sur l’endroit où il avait vu le colporteur, il avait disparu.

Cette scène étrange avait jeté le jeune major dans une sorte de stupeur dont il sortit en entendant le son des trompettes et le bruit de la marche d’un détachement de cavalerie. Le coup de feu avait attiré une patrouille de ce côté, et l’alarme régnait déjà dans le corps. Sans entrer dans aucune explication, Dunwoodie retourna sur-le-champ à ce qu’on appelait le quartier-général, et y trouva toute sa troupe sous les armes, à cheval, et attendant son