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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/275

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vapeurs étouffantes. Mais comme il allait y entrer, il en vit sortir un homme portant entre ses bras Sara sans connaissance. À peine eurent-ils le temps de regagner la pelouse que les flammes sortirent par toutes les croisées du bâtiment, qui se trouva comme enveloppé d’une nappe de feu.

— Dieu soit loué ! s’écria l’individu qui venait de sauver Sara ; quelle mort affreuse elle aurait endurée !

Le capitaine, dont les yeux étaient fixés sur l’édifice embrasé, les en détourna pour les porter sur celui qui parlait ainsi, et à sa grande surprise, au lieu de voir un de ses dragons, il reconnut le colporteur.

— Ah ! l’espion ! s’écria-t-il ; de par le ciel ! vous me poursuivez comme un spectre.

— Capitaine Lawton, répondit Birch épuisé de fatigue, et s’appuyant sur la barricade qui bordait la pelouse du côté de la maison, je suis encore en votre pouvoir, car je n’ai ni la force de fuir, ni les moyens de résister.

— La cause de l’Amérique m’est aussi chère que la vie, répliqua le capitaine ; mais elle ne peut exiger que je lui sacrifie l’honneur et la reconnaissance. Fuyez avant qu’aucun de mes dragons vous aperçoive, sans quoi il ne serait pas en mon pouvoir de vous sauver.

— Que le ciel vous protège ! Puisse-t-il vous accorder la victoire sur vos ennemis ! s’écria Birch en lui serrant la main de manière à prouver que sa maigreur n’ôtait rien à sa force.

— Un instant, dit Lawton ; un seul mot. Êtes-vous ce que vous paraissez être ? serait-il possible que vous fussiez…

— Un espion de l’armée royale, répondit Birch en détournant la tête.

— Pars donc, misérable ! s’écria le capitaine en le repoussant ; hâte-toi de fuir ! Une basse cupidité ou une fatale erreur a égaré une âme noble et généreuse.

Les flammes qui dévoraient le bâtiment portaient la lumière jusqu’à une certaine distance autour de ce qui restait sur pied ; mais à peine Lawton avait-il prononcé ces paroles, que Harvey Birch avait disparu au milieu des ténèbres qui régnaient au-delà, et que le contraste rendait encore plus sombres.

L’œil de Lawton s’arrêta un instant sur l’endroit où il venait de voir cet homme inexplicable. Prenant alors entre ses bras Sara encore évanouie, il la porta aussi facilement qu’un enfant endormi, et l’abandonna aux soins de sa famille.