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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/279

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sœur l’avait placé, et en repoussant le dragon qui le soutenait. À quoi bon vaincre nos ennemis, si les vaincus peuvent nous infliger de si cruelles blessures ?

— Croyez-vous, dit Lawton avec un sourire amer, que des cœurs anglais puissent avoir quelque compassion pour les maux que souffrent des Américains ? Qu’est l’Amérique pour l’Angleterre ? un astre satellite qui ne doit avoir d’éclat que pour en ajouter à celui de la planète à laquelle il est subordonné. Oubliez-vous qu’un colon doit se trouver honoré de devoir sa ruine à la main d’un enfant de la Grande-Bretagne ?

— Je n’oublie pas que je porte un sabre, répondit Singleton en retombant d’épuisement sur sa chaise. Mais ne s’est-il donc pas trouvé un seul bras pour venger cette infortunée et ce malheureux père ?

— Ce ne sont ni les bras ni le courage qui ont manqué, capitaine, dit Lawton avec fierté ; mais la fortune favorise quelquefois le méchant. — Je donnerais jusqu’à Roanoke pour pouvoir le retrouver et me mesurer avec lui.

— Non, capitaine, non, lui dit à demi-voix Betty Flanagan, avec un regard expressif ; ne donnez Roanoke pour rien au monde ; la bête a bon pied ; elle saute comme un écureuil, et vous n’en retrouveriez pas tous les jours une semblable.

— Femme, s’écria Lawton, cinquante chevaux les meilleurs qui aient jamais été élevés sur les bords du Potomac, ne paieraient pas assez cher une balle bien dirigée contre ce scélérat.

— Allons, dit le docteur, l’air de la nuit ne peut qu’être nuisible à George et à ces dames ; il faut songer à les transporter dans un endroit où l’on puisse leur donner des soins et des rafraîchissements. D’ailleurs il n’y a plus ici que des ruines fumantes et les miasmes de l’humidité.

On n’avait aucune objection à faire à une proposition si raisonnable, et Lawton fit les dispositions nécessaires pour transférer provisoirement la famille Wharton aux Quatre-Coins.

L’art du carrossier était encore en son enfance en Amérique à cette époque, et ceux qui voulaient avoir une voiture élégante et légère étaient obligés de la faire venir d’Angleterre. Quand M. Wharton avait quitté New-York, il était du petit nombre de ceux qui se permettaient le luxe d’un carrosse et quand sa belle-sœur et ses deux filles étaient venues le rejoindre dans sa solitude, elles s’étaient rendues aux Sauterelles dans la lourde voiture