Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/314

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— Ces sentiments sont louables. Allons, Messieurs, dit le président en s’adressant aux autres juges, cette affaire se présentait d’abord fort mal, mais elle commence à s’éclaircir. Qui pourrait blâmer un fils d’avoir désiré de voir son père ?

— Avez-vous quelque preuve que telle était votre intention ? demanda un des juges à figure grave.

— Sans doute, répondit Henry en admettant un rayon d’espérance ; mon père, ma sœur, le major Dunwoodie le savent comme moi.

— Ceci peut changer la face des choses, dit le même juge au président ; je pense que cette affaire mérite d’être approfondie.

— Sans contredit, répondit le président. Qu’on fasse avancer M. Wharton père.

M. Wharton s’avança tremblant d’émotion. Le président lui laissa quelques instants pour se calmer ; et après lui avoir fait prêter serment suivant les formes d’usage, lui fit la question suivante :

— Êtes-vous le père du prisonnier ?

— Il est mon fils unique.

— Savez-vous pourquoi il s’est rendu chez vous, le 29 octobre dernier ?

— Comme il vous l’a dit, pour me voir ainsi que ses sœurs.

— Était-il déguisé ? demanda un des autres juges.

— Il… il n’avait pas l’uniforme de son corps.

— Et pour voir ses sœurs ! dit le colonel Singleton, avec beaucoup d’émotion. Vous avez des filles, Monsieur ?

— J’en ai deux… Elles sont dans cette maison.

— Portait-il une perruque ? demanda l’autre juge.

— Il avait sur la tête… quelque chose de semblable, je crois.

— Et combien y a-t-il de temps que vous ne l’aviez vu ? demanda le président.

— Quatorze mois.

— Était-il couvert d’une grande redingote d’étoffe grossière ? demanda l’autre juge en feuilletant l’acte d’accusation.

— Il portait… un surtout.

— Et vous pensez qu’il n’est venu que pour vous voir ?

— Moi et mes filles.

— Un brave garçon ! dit le président à l’oreille de celui de ses collègues qui avait jusqu’alors gardé le silence. Je ne vois en cela qu’une imprudence de jeunesse, et au fond l’intention était bonne.