Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/327

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— Je lui en servirai, répondit le major d’une voix entrecoupée de sanglots.

— Ma bonne tante a déjà des droits sur votre affection ; je ne vous parle donc pas d’elle ; mais ma sœur, ma sœur chérie, dit Henry en prenant la main de Frances et en jetant sur elle un regard d’affection vraiment fraternelle : que j’aie avant de mourir la consolation de joindre sa main à la vôtre, et d’assurer un protecteur à son innocence et à sa vertu.

Dunwoodie ne fut pas maître de réprimer le mouvement qui lui fit avancer la main pour recevoir celle que son ami lui offrait ; mais Frances, reculant et cachant ses joues brûlantes sur le sein de sa tante, s’écria : — Non ! non ! non ! jamais je n’appartiendrai à quiconque aura contribué à la perte de mon frère !

Henry fixa un instant sur elle des yeux pleins de tendresse, et reprit un discours que chacun sentait lui être inspiré par son cœur.

— Je me suis donc trompé, Dunwoodie, lui dit-il ; je m’étais imaginé que votre mérite, votre dévouement à la cause qui vous a paru la plus juste, vos attentions pour mon père quand il a été arrêté, votre amitié pour moi, votre caractère, en un mot, avaient fait quelque impression sur ma sœur.

— Cela est vrai ! cela est vrai ! s’écria Frances en rougissant et en continuant à se cacher le visage.

— Je crois, mon cher Henry, dit Dunwoodie, que ce sujet n’est pas ce qui doit nous occuper dans de pareils instants.

— Vous oubliez que les miens sont comptés, répondit Henry avec un faible sourire, et qu’il me reste encore bien des choses à faire.

— Je crois, continua le major, le visage en feu, que miss Wharton a conçu de moi certaines idées qui lui rendraient désagréable de consentir à ce que vous proposez… des idées dont il n’est plus possible à présent de la désabuser.

— Non ! non ! s’écria Frances avec vivacité vous êtes justifié, Peyton ; elle a dissipé tous mes doutes à l’instant même de sa mort.

— Généreuse Isabelle murmura Dunwoodie avec un transport de joie momentané. Mais cependant, Henry, épargnez votre sœur dans un tel moment ; moi-même, épargnez-moi.

— Mais moi, je ne puis m’épargner, répondit Henry en tirant doucement sa sœur des bras de sa tante. Est-ce dans un temps comme celui-ci qu’on peut laisser sans protecteur deux jeunes