Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/328

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filles si aimables ? Leur maison est détruite. Le chagrin, ajouta-t-il en jetant un regard sur son père, leur enlèvera bientôt leur dernier parent. Puis-je mourir en paix en prévoyant les dangers auxquels elles seront exposées ?

— Vous m’oubliez donc ! s’écria miss Peyton frémissant à la seule pensée d’un mariage célébré en de pareilles circonstances.

— Non, ma chère tante, je ne vous oublie pas, et je ne vous oublierai que lorsque la mort aura éteint tous mes souvenirs ; mais vous ne réfléchissez pas au temps où vous vivez et aux dangers qui vous environnent. La bonne femme à qui cette ferme appartient a déjà envoyé chercher un ministre de la religion pour adoucir mon passage dans un autre monde. Frances, si vous désirez que je meure en paix…, si vous voulez que je jouisse d’une sécurité qui me permette de consacrer au ciel mes dernières pensées, consentez qu’il vous unisse sur-le-champ à Dunwoodie.

Frances secoua la tête et garda le silence.

— Je ne vous demande pas de transports de joie, de démonstrations d’un bonheur que vous n’éprouvez pas, que vous ne pouvez éprouver d’ici à quelques mois ; mais obtenez le droit de porter un nom respecté ; donnez-lui le droit incontestable de vous protéger.

Sa sœur ne lui répondit encore que par un geste négatif.

— Pour l’amour de cette infortunée, dit Henry en montrant Sara, pour l’amour de vous… pour l’amour de moi… ma sœur !…

— Paix ! Henry ! paix, ou vous me briserez le cœur s’écria Frances vivement agitée. Pour le monde entier je ne prononcerais pas en ce moment le vœu solennel que vous exigez de moi. Je me le reprocherais toute ma vie.

— Vous ne l’aimez donc pas ? lui dit son frère d’un ton de reproche. En ce cas je cesse de vous importuner pour que vous fassiez ce qui est contraire à votre inclination.

Frances leva une main pour cacher sa rougeur, et tendit l’autre à Dunwoodie, en disant à son frère avec vivacité :

— Maintenant vous êtes injuste envers-moi, comme vous l’étiez tout à l’heure envers vous-même.

— Promettez-moi donc, dit le capitaine Wharton après quelques instants de réflexion, que, dès que vous pourrez songer à moi sans trop d’amertume, vous unirez votre sort pour toute la vie à celui de mon ami. Je me contenterai de cette promesse.