Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/373

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— Laissez-moi, laissez-moi, dit Frances ; je m’en irai aussi facilement que je suis venue. Soyez sans inquiétude. Vous ne connaissez ni mon courage ni mes forces.

— Je ne vous ai pas connue jusqu’ici, ma sœur, c’est la vérité ; mais à présent que j’ai appris à vous apprécier, puis-je vous laisser en ce lieu ? non, jamais ! jamais !

— Capitaine Wharton, dit Birch en ouvrant la porte, si vous avez plusieurs vies, vous êtes bien le maître de les risquer ; mais moi qui n’en ai qu’une, je veux la conserver. M’en irai-je seul, ou venez-vous avec moi ?

— Partez ! partez, mon cher Henry ! s’écria Frances en l’embrassant. Partez ! songez à notre père, songez à Sara. Elle n’attendit pas sa réponse mais, l’entraînant doucement vers la porte, elle le poussa en dehors et la ferma.

Il y eut encore quelques instants de discussion entre le capitaine et le colporteur ; mais enfin celui-ci l’emporta, et Frances entendit le bruit de leurs pas, tandis qu’ils descendaient de la montagne avec rapidité.

Dès qu’on eut cessé de les entendre, Harper reparut. Il prit en silence le bras de Frances, et la fit sortir de la hutte. Le chemin lui paraissait familier ; il la fit remonter sur la pointe du rocher sous laquelle était la chaumière, lui fit traverser le plateau de la montagne, et il avait soin de la prévenir des obstacles et des difficultés qui pouvaient s’opposer à leur passage et de l’en garantir.

En marchant à côté de cet homme à taille majestueuse, Frances sentait que le bras qui la soutenait ne pouvait appartenir à un être de la classe ordinaire. Son pas ferme et son air calme semblaient annoncer une âme forte et résolue. En suivant leur route par le revers de la montagne, ils en descendirent très-vite et sans danger. Guidée par Harper, Frances parcourut en dix minutes la même distance qui lui avait coûté en venant une heure de fatigue. Enfin il prit un de ces sentiers dont nous avons parlé, pratiqués par les troupeaux, et traversant d’un pas rapide le terrain qui avait été défriché, il arriva près d’un cheval richement caparaçonné. Le noble animal hennit et frappa la terre du pied, lorsque son maître replaça ses pistolets dans leurs arçons.

Harper se tourna alors vers Frances, et lui prenant la main, lui parla en ces termes :

— Vous avez sauvé cette nuit votre frère, miss Wharton. Je ne puis vous expliquer pourquoi il se trouve des bornes au pouvoir