Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/388

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— Capitaine, Wharton, dit Harvey, voilà un lieu de sûreté pour vous. L’Amérique ne saurait vous atteindre si vous êtes une fois sur le tillac de ce bâtiment. On l’a envoyé pour couvrir les fourrageurs et soutenir le détachement que nous avons vu car les troupes régulières aiment assez à entendre le bruit du canon de leurs vaisseaux.

Henry ne daigna pas répondre au sarcasme que couvraient ces paroles, et peut-être même n’y fit-il pas attention, mais il accepta avec joie cette proposition, et il fut convenu, que dès qu’ils se seraient reposés ils tâcheraient de se rendre d’abord de ce navire.

Ils commencèrent alors l’opération indispensable de déjeuner, et tandis qu’ils s’en occupaient sérieusement, ils entendirent plusieurs décharges de mousqueterie dans l’éloignement, d’abord quelques coups de fusil isolés, puis un feu roulant et presque continuel.

— Votre prophétie se vérifie, dit Henry en se levant avec vivacité, nos troupes sont aux mains avec les rebelles. Je donnerais six mois de ma paie pour assister à cette charge.

— Ma foi ! dit son compagnon sans en perdre un coup de dent, cela vaut mieux à voir de loin que de près, et je puis dire que la compagnie de ce morceau de lard, tout froid qu’il est, est plus à mon goût en ce moment que le feu le plus chaud des troupes continentales. Le feu est bien vif pour des forces si peu nombreuses, mais il semble irrégulier.

— Ces décharges irrégulières viennent de la milice du Connecticut, dit Harvey en levant la tête pour mieux écouter. Ces miliciens sont bons tireurs, et ils savent envoyer leur balle à son but. Les volées sont tirées par les troupes royales, qui, comme vous le savez, font feu au commandement aussi longtemps qu’elles le peuvent.

— Je n’aime pas ce que vous appelez ces décharges irrégulières, reprit Henry en se promenant avec un air de malaise ; elles se succèdent comme les coups frappés sur un tambour, et ne ressemblent nullement à un feu d’escarmouche.

— Non, non, je n’ai pas parlé d’escarmoucheurs, dit le colporteur en se levant sur ses genoux et en cessant de manger ; tant qu’ils tiendront bon, ces miliciens valent mieux que les meilleures troupes de l’armée royale. Chacun d’eux y va bon jeu bon argent,